La réussite est un état d’espritpar Gisèle Aubin, PCC
La définition de réussite est propre à chacun. Selon qui nous sommes, elle peut être associée à l’atteinte d’un objet ou statut extérieur à soi, ou encore synonyme d’un changement intérieur.
Il ne s’agit donc pas de la définir, mais plutôt de comprendre les conditions gagnantes pour l’atteindre.
Des recherches récentes nous informent que notre état d’esprit est un des éléments principaux dans l’atteinte de la réussite. À cela s’ajoutent le rôle de notre identité, l’utilisation de nos forces et le contexte propice au déploiement de celles-ci. Finalement, savoir garder le cap pour maintenir un état d’esprit de croissance est aussi nécessaire.
Nous sommes l’artisan de notre réussite.
L’état d’esprit
Carole Dweck,[1] Professeur à l’université de Stanford en Californie a fait de nombreuses recherches sur la psychologie de la réussite, à savoir, une étude exhaustive sur le rendement de centaines de milliers d’élèves de niveaux primaire et secondaire, aux États-Unis et en Amérique du sud principalement. Les participants, confrontés à un problème intentionnellement plus complexe que leur niveau de connaissance leur permettrait normalement de résoudre, ont réagi de 2 manières : Un premier groupe a abordé le problème avec intérêt et curiosité, comprenant qu’ils allaient acquérir de nouvelles connaissances et avoir l’opportunité de se développer. Ils y voyaient donc une récompense.
L’autre groupe a réagi avec anxiété, se sentant confronté à leurs limites et refusant de les mettre à défi par crainte de les prouver. Pour ces élèves, il s’agissait d’une menace.
En conclusion, elle affirme qu’il y a fondamentalement 2 groupes d’individus qu’elle catégorise ainsi : un démontrant un état d’esprit fixe (fixed mind set), et l’autre un état d’esprit de croissance (growth mind set).
Qu’entend-on par « état d’esprit fixe »? Toujours selon Carol Dweck, si je suis animé d’un tel état, je crois que mon intelligence est une donnée limitée, que mes possibilités ont également des limites et que d’essayer d’aller au-delà de celles-ci m’expose à l’échec. Donc, je résiste au changement qui est une menace. Je me bats à défendre le statu quo et ce faisant, m’impose une forme d’auto-aliénation.
À l’opposé, si je suis animé d’un état d’esprit de croissance, je vois plus facilement l’effort comme un passage vers la réussite. Je crois que de relever un défi est une opportunité d’apprentissage et de croissance, et reconnais le gain que cette démarche m’apporte. Il y a donc une récompense.
Clairement, être animé d’un état d’esprit de croissance est propice à la réussite.
Selon elle, ce qui fait qu’un individu favorise un état plus que l’autre est en grosse partie dû à son identité et à sa manière de voir l’apprentissage.
L’IDENTITÉ
Selon les neurologues, un état d’esprit est une représentation interne formée à partir de nos croyances, lesquelles découlent de notre identité.
Hors, mon identité est une accumulation de messages et d’images qui me sont transmis par les autres. C’est une réalité que j’assimile mais qui ne m’appartient pas. Plus j’avance en âge, plus cette image se cristallise et devient ma vérité à partir de laquelle mes croyances découlent.
La croyance est le processus mental qui fait que j’adhère à une thèse ou une hypothèse et que je considère celle-ci comme vérité, indépendamment de la réalité.
Typiquement, j’accepte d’apprendre dans la mesure où mes nouveaux apprentissages concordent avec mes croyances. À vrai dire, je ne reconnais que ce que je connais déjà.
Comment faire pour changer ce paradigme ?
MES FORCES
Bien connaître et utiliser mes forces est le levier de ma réussite. Mes forces constituent ma zone de rendement maximal. Malheureusement, seulement 30% des gens sont capables de nommer leurs forces et 17% croient les mettre à profit au travail.
Dû à l’héritage de nos systèmes d’éducation, par ailleurs appuyés par de nombreux programmes de gestion de la performance en entreprises, la vaste majorité des gens croit qu’il est plus important de corriger ses faiblesses que de développer ses forces.
Hors, corriger mes faiblesses me permet d’éviter l’échec alors que de développer mes forces mène à l’excellence.
Mes forces sont la somme de mes talents, compétences et connaissances. Alors que ces dernières s’acquièrent au fil des ans et offrent un savoir-faire, le talent est parfois plus difficile à discerner. À l’origine du talent se trouvent souvent un plaisir et une charge émotive qui, dans la mesure où nous les honorons, nous conduisent vers des intérêts et activités dans lesquels nous avons une plus grande facilité à évoluer et une plus grande satisfaction à les réaliser.
Comment reconnaître mes forces?
Lorsque je travaille avec mes forces, des phénomènes se produisent qui peuvent m’aider à les identifier:
1- Un côté naturel où je déploie une authenticité (ça vient facilement)
2- Une performance relativement facile (mon apprentissage se fait rapidement)
3- L’énergie est au rendez-vous (enthousiasme, vitalité)
4-Je suis connectée avec moi-même ce qui me permet de connecter aux autres.
5- L’image que j’envoie en est une de confiance et celle-ci permet aux autres de bien me définir et crée une attraction.
Effectivement, lorsque j’utilise mes forces, je dégage une énergie remarquable qui a un effet d’entraînement auprès des autres. Je sors de l’ombre.
Pour vous aider à déterminer vos forces, de nombreux tests psychométriques sont disponibles en ligne et accessibles à tous[2]. Ils sont rapides, peu coûteux et informatifs. De plus, certains vous donnent accès à toute une librairie d’information.
Une autre manière très efficace d’identifier vos forces est de poser la question suivante aux gens qui vous connaissent le mieux : « Je suis à mon meilleur quand…. » Ainsi, en comparant leurs réponses, vous risquez de trouver un fil conducteur qui révèlera ce pourquoi on vous reconnaît et vous apprécie. À vous de décider ce qui vous appartient.
Pour réussir je dois donc revoir mes paradigmes. Il est vrai que la connaissance et compétence sont des éléments essentiels à la performance mais celle-ci est optimale que lorsque ces dernières agissent comme amplificateurs à mes talents.
Comment m’assurer d’optimiser ma contribution?
L’ENVIRONNEMENT
À maximiser constamment la performance, on en vient à diminuer la croissance. Le phénomène est semblable à une terre sur-cultivée qui n’arrive plus à produire.
Si vous êtes amateurs de randonnée de bord de la mer, vous aurez peut-être remarqué la pause que la marée fait à l’étale. Celle-ci est le moment entre la marée montante et descendante où la mer est au statu quo. Un grand calme l’habite. Elle est au repos.
De la même manière, j’ai besoin dans ma vie d’une telle période d’accalmie durant laquelle je peux « refaire le plein ». Mon corps, tout comme mon cerveau, bénéficient de temps d’arrêt. La science nous a bien démontré qu’une sur-sollicitation de nos facultés, physiques ou mentales, sans souci de ressourcement, conduit à l’épuisement. Afin de faire preuve de créativité, d’innovation, de courage et de capacité à l’effort, je dois être en possession de toutes mes facultés.
C’est seulement ainsi que je suis en mesure de créer mon identité future, celle qui transporte mes ambitions, mes rêves, mes buts. Celle aussi qui est teintée d’aucune crainte ou inhibition. Mon identité future m’appartient dans mon imagination et les choix que je fais aujourd’hui déterminent mes possibilités de demain.
En effet, selon C. Otto Scharmer[3], L’identité se crée au passé et au futur et voit sa transformation dans l’identité transitoire qui permet le passage du passé au futur.
Bien que sa théorie comporte plus d’information que ce qui est énoncé ici, nous retenons que le passage d’une identité à l’autre est chargé d’anxiété. Pour réussir une transition il m’est nécessaire de « lâcher prise » les croyances qui me guident, de laisser émerger ma nouvelle réalité, y faire face avec ouverture d’esprit et de cœur, et avoir la volonté d’aller de l’avant.
Je dois tenter de voir le monde en dehors de ma propre perspective.
L’espace entre mon passé et mon devenir est celui de l’identité transitoire où, par définition, je suis en territoire peu familier. Aux prises avec celle-ci, il est fréquent de ressentir une forme d’incompétence, un inconfort dû à un manque de familiarité (on ne reconnaît rien), une vulnérabilité (je ne contrôle rien), une anxiété (et si je manquais mon coup?) etc. En réalité, rien n’est plus normal que ces sentiments puisque je suis en mode d’apprentissage. J’apprends. Je ne connais pas. Ainsi, les craintes et anxiétés qui m’habitent à ce moment sont souvent instrumentales à mon incapacité d’aller de l’avant.
Chaque décision que je prends est une décision qui me tire vers le passé ou vers l’avenir.
Où dois-je me situer pour assurer ma réussite?
CULTIVER LA RÉUSSITE
Entre l’échec et la réussite existent la croissance et l’épanouissement : Choisir d’être une contribution[4], c’est accepter de revoir nos paradigmes.
La soif de réussir et la peur de l’échec sont indissociables. Mesurer mon succès en fonction de cette dichotomie ne peut que me laisser constamment insatisfait.
Pour m’assurer de maintenir le cap je dois pouvoir constater que ma démarche m’enrichit. Pour ce faire, je m’assurerai donc de ce qui suit :
- Bien définir mon intention. Quel est mon objectif et quel est le temps que je m’accorde pour l’atteindre? Un objectif peut être d’aller marcher dehors sur l’heure du midi comme de prendre sa retraite à 55 ans. L’importance est de bien la définir et surtout de la maintenir active dans notre champ de vision.
- Constater mes réalisations et les nommer. La récompense de l’effort crée l’habitude. Plus je serai en mesure de constater que mes efforts portent fruits plus je serai motivé et aurai l’assurance de poursuivre.
Célébrer mes réussites est synonyme de compiler mon temps de course quand je m’entraîne. Qui finit sa course sans regarder sa montre? Qui n’est pas intéressé à voir le progrès réalisé depuis la dernière fois? Quel est l’effet qu’un gain de 10 secondes a sur ma motivation à poursuivre mes efforts?
Évaluer ma réussite exclusivement sur la finalité de mon effort et non pas le progrès de ma démarche, est une erreur. À l’inverse, célébrer mes réussites au fur et à mesure de mes réalisations est un moteur de motivation.
Mihaly Csikszentmihalyi[5] dans son livre « Flow » nous rappelle que les moments les plus satisfaisants dans une vie ne sont pas des moments passifs, ou des moments de résistance, ni ne sont-ils des moments de grande détente et de facilité. Plutôt les moments les plus satisfaisants dans la vie sont ceux durant lesquels mon esprit et mon corps sont impliqués dans un effort volontaire d’accomplissement, un but ambitieux à la hauteur de mes capacités.
Ainsi, la réussite n’est pas exclusivement un but en soi, mais plutôt un état, une façon de faire et d’être.
Finalement, je vous invite à questionner les limites que vous vous reconnaissez et surtout à explorer toutes vos possibilités. Si elles étaient extensibles, et elles le sont, où seriez-vous demain? Dans six mois?
Que mettrez-vous en motion pour le savoir?
« La vie c’est comme une bicyclette. Il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre ».
Bonne route!
[1] Dweck, S.Carol. Changer d’état d’esprit: une nouvelle psychologie de la réussite. 2010. Éditions Mardaga. Warve, Belgique.
[2] Doucet, C. Ducharme, M. Le 6ème Talent. 2017. Isabelle Quentin Éditeur, p.30
[3] C. Otto Scharmer. Theory U: Leading from the future as it emerges. 2009. Berrett-Koehler Publishers Inc. San Francisco, EU.
[4] Zander, Rosamund Stone & Benjamin. The Art of Possibility. 2000. Harvard Business School Press. Boston, MA.
[5] M. Csikszentmihalyi. Flow : The Psychology of Optimal Experience. 1990.Harper & Row, Publishers, New York, NY.