23 mars 2023

LA VACUITÉ DE LA SURCHARGE: Vider son sac dans les boîtes et construire un pontpar Gilles Tétu, PCC

Les Japonais lors de la Deuxième Guerre mondiale ont obligé leurs prisonniers américains à construire un pont. Ceux-ci travaillaient 16 heures par jour et étaient brutalisés. Les Japonais remarquaient qu’ils gardaient tout de même le moral. Une fois le pont construit, ils décidèrent de modifier leurs méthodes pour diminuer leur moral. Ils leur ont demandé de transporter des pierres de l’autre côté de la rivière et cela en travaillant dans les mêmes conditions. Quand ils avaient fini, ils reprenaient les pierres et les ramenaient au côté précédent, ainsi de suite tous les jours. Quelques jours plus tard, les hommes étaient démoralisés, dépressifs et certains aimaient mieux mourir.

Vous comprenez dans cette histoire que ce n’est pas le travail qui brûlait les prisonniers, mais le sens de leurs actions, le sentiment d’être inutiles et de stagner. Quand les prisonniers construisaient un pont, même si c’était pour l’ennemi, ils progressaient, ils construisaient quelque chose. Chaque jour, ils avançaient, un bout à la fois. Il y avait un objectif, c’était concret et mesurable. A l’inverse, transporter des pierres sans raison leur donnait l’impression de travailler inutilement, sans en voir la fin. Ils vivaient la vacuité, soit le vide moral. Ils n’y avaient aucune valeur ajoutée à ce qu’ils faisaient. Si ce que nous faisons nous semble inutile, comment justifier ces efforts !

Il peut arriver dans la vie d’un gestionnaire de se sentir comme ces prisonniers. La surcharge nous fait perdre la notion du pourquoi nous faisons cela et ce que cela représente. Parfois, nous sommes confrontés à un amoncellement de choses à faire; tellement éparpillées et nombreuses que nous avons un sentiment d’inutilité, d’injustification de nos efforts, et nous perdons ainsi la vue d’ensemble. Notre tâche nous semble comme des pierres à déplacer sans fin. C’est comme si nous avions plein de choses à faire et qu’elles étaient amalgamées dans un grand sac. Elles nous semblent également toutes importantes et toutes urgentes. La solution est parfois de les classer chacune dans une boîte, afin d’en avoir une vision plus ordonnée.

Les boîtes pourraient être les suivantes :

  • Les choses dont je n’ai pas de pouvoir
  • Les choses dont le pouvoir est partagé
  • Les choses dont j’ai du pouvoir
  • Celles qui se régleront seules avec le temps
  • Celles qui peuvent se déléguer ou qui demandent peu d’intervention
  • Celles qui sont la priorité 1 ou 2
  •  

Ensuite, nous pourrions catégoriser chacune ainsi:

* celle qui va bien (VB)

* Celle qui ne va pas bien, mais ce n’est pas grave (PG)

* Celle qui ne va pas bien, mais qui est grave (GR). Dans cette dernière catégorie, que faisons-nous avec ?

Le fait de classer ces activités dans des boîtes nous permet de mieux les situer concrètement à l’intérieur d’une orientation plus globale. Nous pouvons ensuite indiquer quel sera le premier pas à faire pour avancer dans ce que nous identifions comme important et urgent en se demandant : « Quel est le plus petit pas possible (PPPP) ? ». Comme le souligne Marc Allard (1), ce sera celui que nous ferons à un moment précis (jour et heure à réserver) et le plus près du moment où nous le planifierons.

Il faut planifier le PPPP et non pas l’objectif dans son ensemble. Décrire les petites activités nécessaires nous aide à les réaliser et elles paraissent ainsi plus atteignables.

Par exemple, si dans la boîte priorité 1, nous avons : « Préciser mon rôle avec la nouvelle directrice d’établissement », la première action pourrait être de voir ce qui existe pour ce genre de poste. Donc notre PPPP pourrait être; « Demain matin, j’appelle Denise, une collègue dans un autre établissement pour lui demander ce qui se fait chez elle ». Le pas le plus important est le premier pas, si petit soit-il. C’est lui qui fait progresser la situation. Tout se construit par petit pas, une pierre à la fois. Cela nous donne l’impression d’avancer et nous enlève l’impression de vide, nous permettant ainsi de nous diriger vers l’accessible.

En conclusion, nous classerons le contenant de notre sac de choses à faire parmi plusieurs boîtes, nous choisirons la priorité et identifierons le premier pas à faire pour avancer. Cela nous permettra de construire notre pont ou quelque chose qui fait du sens pour nous. En effet, en gestion, il importe d’avoir une vision globale et une action locale.

« Il arrive un moment où l’on réalise qu’à force de voir grand, on peut finir par oublier de voir clair. » citation de Anne Marcotte

(1) Allard Marc, C’est quoi ton plan, Le Soleil, 12 novembre 2022, P. M3

Note: Cet article est à propos du chercheur en psychologie, Peter Gollwitzer, qui souligne que si nous nous donnons un moment précis pour accomplir une tâche nous avons plus de chance de la réaliser. Par exemple, un objectif que l’on se donne sans plan précis est atteint à 22 %. Par contre, celui pour lequel nous avons planifié un moment précis est atteint à 62 %

Gilles Tétu, PCC Coach professionnel certifié PCC