L’incompétence comme apprentissagepar Gilles Tétu, PCC
L’incompétence est souvent vue comme un frein à se réaliser. Nous oublions que c’est par l’incompétence que nous transitons pour devenir plus compétents. Plusieurs gestionnaires rencontrés en coaching me font part de leur impression d’incompétence, et pourtant ils font partie de décideurs compétents. Il est fréquent de les voir souffrir du « syndrome de l’imposteur » ou « d’anxiété de performance ». La peur de l’échec est omniprésente et la confiance en eux est parfois défaillante.
À leur défense, il n’est pas rare qu’ils aient été promus rapidement dû à la pénurie de gestionnaires. Pourtant, ils ont une capacité d’adaptation importante, une facilité d’utilisation des technologies de l’information bien développée, sans compter qu’ils sont brillants et qu’ils veulent réussir. Ce dernier point pourrait justement devenir leur talon d’Achille, comme nous le verrons dans les thèmes ci-dessous.
Qu’est-ce qui occasionne cette impression d’incompétence ? Certains facteurs peuvent être en cause :
- Le besoin de reconnaissance, celui d’être aimé ainsi que le besoin d‘approbation sont des déterminants importants. En effet, les gestionnaires ont besoin de savoir qu’ils font les choses adéquatement. À défaut de recevoir de la rétroaction positive, les idées négatives prennent le dessus. À ce sujet, le regard des autres prend souvent trop de place.
- L’esprit humain a été construit pour identifier les dangers dans certaines situations. Il est conditionné à se souvenir de ces éléments qui peuvent lui être dommageables, lui permettant ainsi d’assurer sa survie. C’est ainsi que nous portons plus d’attention aux erreurs qu’aux réussites, même si nous faisons beaucoup plus de bonnes choses que de mauvaises.
- Un autre aspect vient du fait que nous sommes habitués à apprendre rapidement, si bien que lorsque nous prenons un peu plus de temps, nous avons l’impression d’être médiocre ou en dessous des attentes. Tout le monde ne sait pas tout faire tout le temps parfaitement. En gestion, nous ne pouvons pas viser le 100% de perfection. Il est préférable de viser entre 70% et 80 %, ce qui, dans la majorité des cas, est très bien. Pour passer de 80 à 100 % de qualité, le gestionnaire doit dépenser 80 % d’énergie additionnelle. Cela ne représente pas un bon investissement de temps selon le ratio coût/bénéfice.
- En outre, l’acceptation de soi ou de ses idées par les autres ne doit pas être une fin en soi. Il faut parfois accepter que notre idée ne soit pas appuyée par les autres. L’important n’est pas d’être meilleur que l’autre, mais d’assumer son unicité (sa vision, ses valeurs) et les forces qui nous caractérisent.
- De plus, l’estime de soi est, malheureusement, souvent dépendante de nos performances. Une mauvaise performance ne veut pas dire que je suis une mauvaise personne. Les gestionnaires ont tendance à se définir par ce qu’ils accomplissent, alors qu’il est préférable de distinguer ce qu’on fait de ce qu’on est. Si on néglige cette distinction, il devient trop facile de déterminer notre valeur en fonction de nos échecs. Quand je reprenais mes enfants, je le faisais en leur disant, « je n’aime pas ce que tu as fait, mais toi je t’aime ». Conséquemment, au travail, si je me fais dire que je n’ai pas bien fait une chose, cela ne veut pas dire que je ne suis pas une personne bien.
C’est ainsi que le défi pour le coach est d’amener le coaché à faire une prise de conscience de la situation et de le ramener sur des faits.
Plusieurs questions peuvent être pertinentes :
- Quelles sont les émotions que le coaché vit dans ces situations de doute de lui-même?
- Quels sont les faits qui confirment ou infirment ces émotions?
- Comment aborde-t-il le doute ? À quoi son doute est utile ? Qu’est-ce que ce doute lui apporte ? Quels gains peut-il avoir sans les doutes?
- Qu’est-ce qu’il en pense de se donner un objectif à court-terme? (Il est plus facile d’avoir un résultat positif concret à court terme)
- Comment identifie-t-il ses succès et comment se récompense-t-il?
Personne ne nous demande d’être parfait. N’est-il pas plus important de convenir de faire de notre mieux et ainsi d’être plus satisfait de nous-mêmes.
De plus, l’identification d’une erreur ou d’un échec sur une échelle de 0 à 10 permet de sortir du binaire (succès/erreur), de relativiser les erreurs et leur donner une importance nuancée.
Il est aussi possible de demander une requête à notre coaché. Par exemple, chaque vendredi, lui demander de nous faire parvenir :
- Trois succès qu’il a vécus durant la semaine et quels comportements lui ont permis la réalisation de chacun de ces succès. (Le succès peut être aussi petit qu’important)
- Une erreur qu’il a faite et ce qu’il a appris de cette erreur (ce qu’il ferait de différent).
- Identifier un comportement qui a une valeur ajoutée et qu’il va faire en premier le lundi suivant.
- Ce qu’il va faire de ludique ou d’amusant cette fin de semaine.
Selon Descartes, le doute fait partie de la prise de décision à la condition qu’il ne nous empêche pas de décider. Finalement, le doute est normal et doit être utilisé pour nous faire avancer.
« Traitez les gens comme s’ils étaient ce qu’ils doivent être, et aidez-les à devenir ce qu’ils sont capables d’être. » - Goethe
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