18 mai 2023

Aimer le problème plus que la solutionpar Gilles Tétu, PCC

Un jour, il vous est probablement arrivé d’avoir identifié une solution idéale à un problème. Cela allait de soi. Toutefois, celle-ci a peut-être fini par présenter plus de problèmes que prévu. Malgré cela, vous avez continué dans votre lancée avec cette solution mal adaptée possiblement parce que c’était difficile de reculer.

Nous avons tendance à voir le problème comme une faiblesse à corriger sans faute avec la première solution acceptable. Il ne faut pas seulement voir le problème comme une difficulté à éliminer. C’est aussi une occasion d’avancer, un défi de créativité, comme un point de bascule qui nous fournit un moment privilégié pour choisir de nouvelles orientations. Il contient en son sein des éléments de plaisir lorsqu’il est résolu.

Comme gestionnaire, gérer des problèmes est une partie intégrante de notre fonction. Ne pas aimer résoudre un problème, c’est comme un médecin qui n’aimerait pas traiter la maladie. Tous les problèmes ne pourront être réglés complètement et certains (comme le manque de personnel) pourront être considérés comme chronique pour un certain temps.

À défaut de bien saisir les problèmes qui se présentent, on est plutôt porté à leur trouver rapidement une solution. Nous avons tous des exemples de telles circonstances. Un homme d’affaires me faisait part que lors d’une transaction, il ne faut pas tomber en amour avec le « deal », mais tâcher de rester objectif.

Si on pense au gouvernement de la Russie qui a pris la décision d’envahir l’Ukraine, voilà bien un exemple d’avoir trop aimé la solution qu’ils ont imaginée. Je vais donc vous vous partager les pièges rattachés à ce type de situations.

Pièges à éviter :

Plusieurs écueils sont présents dans l’élaboration trop rapide de solutions :

  • L’absence de conflits ou la fausse unanimité (1) (2) (7) : Un comité composé de plusieurs personnes est unanimement d’accord avec une solution. Pourtant, il n’y a aucune solution parfaite. Avons-nous exploré tous les angles?
  • Les biais cognitifs (2) (4) : Ils sont nombreux et nous influencent dans le choix de solutions. Exemples : biais de confirmation qui nous porte à privilégier les informations en accord avec notre vision au détriment des autres informations;  biais d’ancrage qui témoigne de la difficulté à se détacher d’une première impression; biais d’engagement qui nous porte à poursuivre dans une direction même si le résultat est négatif; etc.   
  • Les jugements hâtifs (2) (7) : Lorsque par excès de confiance ou par la pression on identifie rapidement une décision sans en mesurer les répercussions.
  • Manque d’objectivité (2) (5) : Lorsqu’on a déjà identifié la solution au départ, comme étant la meilleure.
  • Expérience du passé (2) (5) : On choisit une solution qui ressemble à celle que nous avons déjà utilisée dans le passé qu’elle soit réussie ou pas.
  • Les émotions (7) : Sous le coup d’une émotion, identifier une solution qui sera influencée par la peur, la tristesse ou le doute et non pas en fonction de l’objectivité de la situation.

Voici un exemple d’un piège dont j’ai été témoin au début de l’informatisation en santé. Les gestionnaires d’un hôpital avaient acheté un système informatique américain afin d’y intégrer toutes les informations cliniques des patients (dossier client entièrement informatisé). Après avoir payé des millions, le système s’est avéré difficilement applicable et a dû être revendu à perte à la compagnie occasionnant un déficit important à l’établissement. Dans cette situation, les gens, tout en étant de bonne foi, ont vécu la fausse unanimité, les biais cognitifs, le manque d’objectivité et surtout, ils ont aimé la solution.

Approches à privilégier :

Il faut davantage aimer le problème que la solution. Il faut ainsi prendre le temps de le regarder (sous tous ses angles, apprécier ses nuances, ses contours), nous informer adéquatement, analyser les différentes options et faire des choix en fonction du contexte. Plus précisément, nous devrions avoir les comportements suivants :

  • Choc des idées ou l’avocat du diable (1) (7) : Dans un comité où nous avons l’unanimité, il est parfois avantageux de nommer un participant pour faire l’avocat du diable. Celui-ci fera ressortir les zones d’ombres de la problématique et favorisera ainsi la discussion pour une solution optimale.
  • Envisager le problème autrement (5) : Cela consiste à prendre du recul et voir la situation plus globalement. Il faut tâcher d’identifier le plus d’angles possible au problème pour ainsi nous permettre de voir plusieurs solutions.
  • Utiliser des données (3) (5) : Il ne faut pas prendre de décisions sous le coup de l’émotion. On peut écrire les forces et les faiblesses du problème pour le rationaliser. L’émotion est souvent mauvaise conseillère.
  • Consulter (5) : Le danger serait de rester seul dans l’analyse et la résolution du problème. Nous avons avantage à consulter plusieurs personnes : ça peut être des gens qui sont associés au problème, ou encore le patron, ou des individus en dehors du problème, mais ayant un bon jugement. En d’autres mots, consulter nos personnes de confiance.
  • Reconnaître les risques (5) : Qu’arrivera-t-il si nous ne faisons rien ou si nous appliquons la solution (A) ou (B)? Nous pouvons faire la liste des améliorations et la liste des problèmes et se demander : quels sont les signes qui vont nous indiquer que nous faisons une erreur ? Exemple, l’augmentation des plaintes, des coûts non contrôlés, des résultats hors de nos attentes, etc.
  • Identifier les nœuds : Quels problèmes pourraient survenir et que ferons-nous alors? On peut essayer de prévoir les difficultés et leurs solutions potentielles avant l’implantation de la solution.
  • Prendre un temps de réflexion (6) (7) : Il faut se donner un temps pour réfléchir, rassembler les faits et rester ouvert aux possibilités. La solution ne sera pas parfaite et il faudra s’adapter.

Aimer le problème consiste à réfléchir plus profondément à celui-ci avant d’identifier une solution. Incidemment, la solution d’aujourd’hui est parfois, le problème de demain.

Finalement :

Une fois que nous avons identifié la solution, nous avons trois choses à faire :

  • Se faire un plan (qui fait quoi, quand, comment). Intégrer dans le plan les problèmes potentiels et les solutions possibles.
  • Identifier la communication (à qui communiquer quoi, quand comment)
  • Se protéger ou identifier ses appuis. (8). Dans cette solution, quel est mon soutien ? Exemple : solution basée sur des données, appui du patron, appui de personnes significatives, solution en respect des règles, des objectifs ou des orientations de l’établissement ou du projet pilote.

En résumé, lors d’une situation problématique, nous devons donner du temps au problème, pour le comprendre et analyser ses impacts. Il faut accepter le doute qui nous permet de réfléchir avant d’agir et enfin, appréhender les divers aspects de la solution.

« Bien dire fait rire, bien faire fait taire »

 Jean Le Cam            

 Références

  1. 1Schmouker O. Comment éviter les mauvais choix à tout jamais (ou presque)?  Les affaires, 2017
  2. 2Montaigne C. Comment éviter de prendre les mauvaises décisions au bureau, .
  3. Venne J-F. Fonder ses décisions sur des données, Revue gestion, 2023
  4. Les 50 types de biais qui influence nos décisions,
  5. Prise de décision : 7 conseils pour gestionnaires, 
  6. De Rubercy J. Suivre ces 3 étapes peut vous éviter les mauvaises décisions et les problèmes relationnels, selon un expert. 2023
  7. Erwin M. Six reasons we make bad decisions and what to do about them. Harvard business review, 2019  -
  8. Tétu G. La protection, Infolettre ACSSS, 2019
  9. Prosper M-L, L’ingéniosité de Kerlando Morette, Les affaires, 2022
  10. Patron J. Avoid bad decision with these 3 stratégies, Forbes
Gilles Tétu, PCC Coach professionnel certifié PCC