15 décembre 2022

L’avenir appartient aux super-équipespar Marie-Hélène Demers

Dans les cinq prochaines années, on devrait voir l’émergence de super-équipes dans les organisations. Sommes-nous prêts à leur faire une place ?

Habitée par ma mission de faire évoluer le leadership et la culture dans les organisations – à faire avancer la solidarité et le travailler ensemble, j’ai envie de vous partager dans cet article une approche et des pratiques pour développer les super-équipes de l’avenir. Car oui, les équipes de travail sont l’épine dorsale de l’entreprise, et pour moi, elles en sont le cœur et l’âme pour prospérer ensemble.

Et si la clé de la prospérité collective reposait sur cette compétence APPRENDRE À APPRENDRE EN ÉQUIPE ? Il est prouvé que les équipes qui l’ont développée ont atteint des résultats exemplaires et durables parce qu’elles permettent aux humains qui en font partie de se relier, de créer et d’apprendre en continue pour développer leur plein potentiel. Ce qui est décrit, par Peter Senge, du Centre pour les organisations apprenantes du MIT Sloan School of Management, comme étant le Metanoia, ce sentiment transcendant de faire partie d’une équipe qui bâtit son futur, cet état intérieur d’être connecté à plus grand que soi.

« Pour la plupart des gens, avoir fait partie d’une super-équipe a été un des meilleurs moments de leur vie. Et bon nombre passe le reste de leur existence à tenter de retrouver cet état intérieur ».

Cette phrase, tirée du livre La 5e discipline écrit par Peter Senge, présente le concept d'organisation apprenante en s'appuyant sur la théorie des systèmes et les théories de la complexité. L'auteur présente cinq disciplines qui se résument à la pratique du dialogue transparent qui permet d’unir les membres d’une équipe autour de leur raison d’être et à la pratique de l’apprentissage en équipe qui leur permet de la concrétiser. J’ai découvert ce livre il y a 20 ans dans mon programme d’étude du MBA. À partir de ce moment, ma quête fut de retrouver au travail le Metanoia comme dans mon enfance lorsque je faisais partie d’un orchestre… ou au CEGEP lorsqu’en équipe nous avions remporté in extremis un tournoi de hockey, ces expériences qui me l’ont fait vivre et ressentir. Le livre de Senge a été si déterminant qu’il a inspiré mon virage professionnel vers le monde du développement des personnes et des équipes en organisation, à la recherche de « la recette » qui permettrait de créer des environnements de travail favorables à la coopération et au développement de super-équipes.

Comment développer les super-équipes ?

Un jour, j’ai compris qu’il n’y avait pas de « recette ». Tout est devenu clair au contact de l’approche d’accompagnement stratégique de collectifs développée par Danièle Darmouni, auteur du livre le Leadership du Vivant™ et fondatrice d’International Mozaik. Elle va un pas plus loin que Peter Senge sur la théorie générale des systèmes en s’inspirant du fonctionnement de la nature et du vivant pour en tirer des lois applicables aux relations humaines et au développement d’organisations apprenantes. Alors comment faire pour développer des super-équipes ? Voici une exploration sommaire de pratiques concrètes pour élever d’un cran la performance de super-équipes en développant leur autonomie comme équipe apprenante dans leur contexte de travail.

Pratique #1 : la régulation

On le sait, notre contexte actuel est ponctué d’aléas imprévisibles et complexes qui bousculent l’équilibre des équipes et les forcent à s’adapter, voire évoluer pour retrouver un nouvel équilibre. Pour changer, les équipes doivent savoir anticiper, mettre en place et formaliser des moyens de régulation afin de suivre et de faciliter le changement qu’elles souhaitent obtenir. Par exemple, pour renforcer son pôle évolution, l’équipe doit prévoir des moments de régulation pour recadrer une situation et retrouver la finalité du changement, traduire cette finalité en projet, ce projet en objectifs, ces objectifs en actions, ces actions en décisions quotidiennes.  Pour renforcer son pôle conservation, l’équipe doit veiller à « l’écologie » de l’ensemble de ses membres. La régulation est donc un ensemble de mécanismes que l’équipe doit pratiquer et intégrer dans ses rituels quotidiens, comme :

  • La boucle de rétroaction: comme un « thermostat », savoir se donner et recevoir du feedback engageant​ (les Faits, leurs Effets, les Options, les prochain Pas).
  • L’autorégulation : comme une « rétrospective », faire circuler la parole dans l’équipe pour prendre conscience de ses apprentissages et les intégrer une prochaine fois, au service de son évolution.
  • Le debriefing: comme « un arrêt de jeu », s’autoriser un temps de recul pour se donner de la rétroaction autant sur le travail produit en équipe que sur la manière de travailler ensemble (sur sa dynamique relationnelle).
  • L’espace Méta: en même temps que l’équipe travaille, prendre un pas de recul de l’action en cours pour voir l’équipe « comme dans un film » et se donner la permission d’arrêter l’action à tout moment pour réguler.

Pratique #2 : l’auto-organisation

La deuxième pratique est d’apprendre à une équipe les mécanismes d’auto-organisation afin qu’elle sache créer un cadre de travail et veiller à son respect, au service de la réussite de sa mission ou de son projet. Plutôt que de se fixer des règles vaines, l’équipe doit apprendre à se donner un cadre de travail protecteur sur des principes tels que la présence, l’assiduité, la participation, la confrontation, etc. Elle doit aussi désigner des attitudes ou permissions qui assurent son efficacité et son évolution sur des principes tels que l’ouverture, le questionnement, le non-jugement, l’apprentissage, l’audace, etc. L’auto-organisation est donc un ensemble de principes et d’habitudes que l’équipe doit vivre et incarner dans son quotidien, comme :

  • Les principes de coopération : cadre pour structurer la relation et créer des contrats-pacte engageants.
  • Le contrat-pacte : cadre qui rend vivant les principes de coopération et les critères de succès pour permettre la coresponsabilité, la coprotection et la coopération.
  • La boussole du changement : cadre pour structurer, relier, explorer et transformer tout travail collectif.

Pratique #3 : la cocréation

La troisième pratique est d’apprendre à une équipe les mécanismes de cocréation afin qu’elle sache créer en coresponsabilité sans dépendre du patron ou d’un animateur externe. La cocréation est un ensemble de mécanismes qui rend efficace et enrichit le travail collaboratif d’une équipe dans son contexte de travail, comme :

  • Les rôles en collectif pour faire émerger la maturité de l’équipe : savoir animer une session de travail en mettant en œuvre la délégation au service de l’intelligence collective.
  • L’étoile du changement : se poser des questions simples en équipe pour orienter les changements au niveau de son optimisation (pôle conservation) ou de sa transformation (pôle évolution).
  • Le cocoaching: permettre à un membre de l’équipe de débloquer un enjeu transformationnel durable, à partir de sa demande de coaching formulée à l’équipe sur ce qu’il désire faire évoluer, changer, développer et transformer.

Prospérer grâce aux super-équipes

Et si le Metanonia, c’était finalement le sentiment de contribuer collectivement à la réussite du projet commun d’une super-équipe ? Les super-équipes y arrivent car elles ont développé la capacité d’apprendre à apprendre et leur autonomie grâce à leurs qualités « vivantes » de régulation, d’auto-organisation et de cocréation. J’ai confiance en l’avenir en pensant aux prochaines générations. Elles sont allumées et incarnent déjà naturellement les principes de la coopération. Comme les jeunes à l’échelle de la planète rejoindront le marché du travail par millions au cours de la prochaine décennie, il est urgent que les leaders créent des environnements de travail favorables et qu’ils appliquent les principes de création et du fonctionnement des super-équipes. De plus, il est tout autant essentiel que nous accompagnions les jeunes à développer leur compétence d’apprendre à apprendre en équipe, dès leur plus jeune âge, pour pérenniser avec eux une vraie démarche de coopération fondée sur le Leadership du Vivant™.  J’imagine un monde où les relations sont saines et profondes, appuyées sur un pacte engageant, pour prospérer ensemble.

Et le coach d’équipe dans tout cela ?

Assurer l’évolution des personnes (des équipes) dans des organisations en mutation, implique le développement des compétences de coach collectif : savoir-être, savoir-faire, savoir anticiper et savoir-faire réussir. De ce fait le perfectionnement du coach pour accompagner des projets d’équipe ou collectif demeure le meilleur moyen d’y arriver.

Références

Le Leadership du Vivant par Danièle DARMOUNI - YouTube
Danièle Darmouni vous invite à lire son livre - YouTube
The Power of Hidden Teams (hbr.org)

Marie-Hélène Demers Marie-Hélène Demers, Coach PCC et VP Humain Edgenda