La présence au clientpar Jean Raymond Bonin, PCC
Jusqu’à quel point prend-on vraiment conscience des limites personnelles qui agissent sur notre pratique de coaching? C’est pourtant là une des conditions d’une relation efficace et engageante de part et d’autre. Le coach n’est pas un automate, un pur esprit parfait ou un être objectif capable d’une distanciation parfaite : ce n’est qu’un être humain comme les autres1.
Quelles seraient donc des conditions pour établir une relation de coaching réussie? Où porter son attention dans l’établissement de cette relation?
Dans son livre Coaching: Evoking Excellence in Others 2, James Flaherty suggère des pistes pour développer une relation coach-client mutuellement satisfaisante dont le respect mutuel, la confiance mutuelle et la liberté d’expression mutuelle. Son propos se situe dans une optique où la qualité de la relation entre le coach et le client crée une ouverture qui, à son tour, permet au coaching de se réaliser.
L’adage dit que le respect se mérite; mais comment? Quelles conditions est-ce que le coach pose relativement au respect? Est-ce que je vais, par exemple, accepter comme client une personne qui a des opinions politiques opposées aux miennes? Une croyance religieuse différente? Des comportements que je juge inadéquats ou même répréhensibles? Flaherty suggère qu’il n’est pas nécessaire que le respect soit absolument dans toutes les sphères de la vie de la personne, mais dans la sphère de coaching. Le travail du coach relativement au respect est d’apprendre à voir son propre jugement de sorte que celui-ci interfère le moins possible dans la relation.
Le lien de confiance mutuelle, d’un point de vue de coach, consiste à examiner sa propre capacité à faire confiance à partir de ses expériences passées. Quels ont été les évènements déclencheurs qui ont fait qu’il s’est senti trahi, qu’il a senti qu’il se fermait, etc. Est-il trop fermé ou trop ouvert par rapport à la réalité du client? Enfin, par rapport à quoi avoir confiance? À tous les aspects de la personne? À sa sincérité? À son engagement? À ses paroles? À ses actions?
Quant à la liberté d’expression mutuelle, il ne s’agit évidemment pas de la liberté de dire n’importe quoi! Trois éléments à retenir. Elle se construit davantage à partir d’une écoute mutuelle authentique que d’une bonne technique de communication. Le travail du coach consiste à rendre explicite à ses propres yeux son expérience de manière à « la mettre de côté ». Ensuite, l’écoute authentique s’accompagne d’une ouverture, d’une réceptivité sentie. Enfin, il va sans dire qu’une des conditions à la libre expression dans une relation de coaching est la confidentialité de ce qui est dit. Cette attitude va transparaître entre autres dans le fait de démontrer que l’on apprend du client et que notre point de vue évolue.
Une autre dimension à considérer pour une relation réussie, c’est que le coach, autant que le client, soit engagé dans une démarche d’apprentissage. Qu’est-ce que cela signifie? Entre autres, que ce que l’on a déjà appris par le passé ne s’applique pas à la situation présente. Par conséquent, on doit se questionner, se réaligner, remettre en cause nos a priori, nos (nombreuses) croyances3. Ce n’est pas tant que le client n’est pas « coachable » que le coach n’a pas encore découvert comment le faire. Être coach, c’est aussi développer une certaine plasticité.
Enfin, malgré toute l’attention portée à cultiver la relation, ça peut également dérailler! Par exemple, l’engagement qui ne se manifeste pas, une forme d’incompétence ou une indisponibilité à ce moment-ci de l’un ou de l’autre, etc. Le coach, au même titre que le client, est plongé dans les préoccupations de sa vie, avec ses croyances3 (conscientes ou pas). Alors, comment être conscient de soi tout en étant totalement présent à son client? Comment développer cette capacité à danser sur le plancher de danse avec le client et monter au balcon pour se voir en même temps danser avec le client? Tenir son journal de coaching pour y noter ses expériences relativement à la qualité de sa présence, faire un retour périodique pour y discerner ses patterns, en discuter avec d’autres personnes, se donner des moyens d’y porter attention dans un esprit d’apprentissage continu sont autant de façons de découvrir ses propres limites pour mieux être au service du client.
N’est-ce pas là la contribution du coach à une relation mutuellement satisfaisante!
1« Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui». Sartre, J.P. (1964)Les mots, Paris : Gallimard
2 Flaherty, J. (2005) Coaching : Evoking Excellence in Others, Burlington : Elviser Butterworth-Heinenmann
3 Voir l’excellent livre de Keagan, R., Laskow-Lahey, L. (2009) Immunity to Change : How to Overcome It and Unlock the Potential In Yourself and Your Organization, Cambridge : Harvard Business School Publications