Diversité ethnoculturelle : mieux comprendre pour bien coacher!par Julie Nadon
La diversité fascine, intrigue ou effraie, mais chose certaine elle ne peut être ignorée. Elle est plurielle : générationnelle, ethnoculturelle, pluridisciplinaire, de genre… et impacte indéniablement le monde du travail. Elle chamboule carrément les règles et transforme les relations. La diversité, longtemps traitée par un comité, créé par bonne conscience, responsable d’organiser un diner mexicain ici et là, fait de plus en plus partie intégrante de la culture organisationnelle et des valeurs des entreprises (enfin!).
J’avais envie d’aborder aujourd’hui la richesse qu’apportent dans leurs bagages les travailleurs issus d’horizons variés. Qu’ils aient migré pour des raisons professionnelles ou qu’ils tentent de se façonner une nouvelle carrière après un parcours migratoire houleux, le portrait de la main-d’œuvre se transforme et notre rôle aussi. De récentes études démontrent que les équipes diversifiées sont plus performantes, puisqu’elles sont plus innovantes et très souvent moins conflictuelles. En effet, la pluralité des points de vue et des expériences amènent des solutions novatrices. Puis, une plus grande ouverture face à des façons de faire différentes entraine une plus grande tolérance envers les autres membres de l’équipe.
Suspendre le jugement
De ce fait, à titre de coach professionnel notre clientèle se diversifie et les attentes à notre égard se multiplient. Levez la main si vous ne jugez pas les autres. Permettez-moi d’en douter! Même si le coach doit suspendre le jugement, il a été démontré que nous accordons plus d’importance aux informations reçues dans les 30 premières secondes de la prise de contact et que malgré nous, nous avons tendance à valoriser ceux qui nous ressemblent (Salomon Arsh, psychologue). Certes, ce mécanisme de préjugement nous a permis de survivre jusqu’ici, mais maintenant il est primordial de le reconnaitre dans le cadre de nos fonctions et il s’avère essentiel de nous décentrer. Osez porter de nouvelles lunettes!
En gardant cette ouverture à l’esprit, voici quelques concepts qui contribueront à développer votre sensibilité interculturelle en situation de coaching.
Attention, il est impératif de ne pas généraliser les comportements en fonction de la communauté culturelle. Dans le doute, à titre de coach avisé, il est primordial de valider votre perception du comportement.
Rapport à la hiérarchie\autorité
Nous œuvrons dans une culture où l’égalité est au cœur des valeurs, et au sein de laquelle graduellement les structures s’aplanissent. Cependant, pour certaines communautés la hiérarchie est valorisée, représente une source de motivation, un sens éthique profond et même un gage de succès.
On souhaite gravir les échelons donc on respecte sans questionner les paliers supérieurs et on s’attend à la même chose de nos employés. C’est ainsi que les employés sont reconnus et c’est aussi ce qu’on s’attend d’eux. Le symbole de la réussite est d’accéder au plus haut niveau hiérarchique possible.
Conséquences :
- Impossibilité pour un coaché de s’exprimer auprès de son patron, incapacité à être authentique. Le sentiment de contrevenir à une règle établie, de manquer de respect est plus fort.
- À l’inverse, le coaché gestionnaire aura de la difficulté à accepter les rétroactions provenant de ses employés et pourrait être moins enclin à écouter leurs idées.
- Difficulté pour un coach à établir sa crédibilité s’il est plus jeune ou moins expérimenté. Il est à noter que dans certains contextes, le sexe du coach pourrait même s’avérer une barrière.
Attitude face à l’échec
L’échec se célèbre de plus en plus dans les entreprises au Québec. Friands du ‘’Fail fast, learn fast’’, nous allons même jusqu’à consacrer des soirées entières pour écouter des gens nous raconter leurs échecs et les bénéfices qu’ils en ont retirés.
Néanmoins, dans plusieurs cultures l’idée de perdre la face ou de montrer un signe de faiblesse touche l’égo et affecte l’estime directement. Il est impensable d’admettre une erreur, de dire simplement « je ne sais pas » ou de montrer une facette de soi un peu moins compétente. Un sentiment aussi puissant que la honte peut en découler. Parfois, cet échec peut même avoir des répercussions familiales graves.
Chez certains groupes on peut aussi associer l’expression des sentiments à une forme d’échec. Ressentir de la tristesse ou de la colère reste du domaine du très très personnel.
Conséquences:
- L’identification des assises peut devenir interminable puisque le coaché aura de la difficulté à identifier les compétences qu’il souhaite améliorer.
- Lors des rencontres tripartites, il faut faire preuve de beaucoup de doigté pour ne pas aggraver la situation.
- L’exploration des sentiments, du ressenti peut être ardu. Vous aurez peut-être même à faire de l’éducation sur les émotions.
La communication
Les codes de communication peuvent souvent mener à d’innombrable quiproquo. Si un simple hochement de tête signifie pour la majorité d’entre nous « oui », dans certaines cultures cela ne veut rien dire. Pire encore, pour d’autres le « non » peut signifier le « oui »!
Encore plus intéressant, dans quelques pays, il est quasi interdit de répondre : « Non! » ou « je ne sais ». Or, si on pose des questions plutôt fermées à notre coaché, il ne nous répondra que par l’affirmative.
Un exemple aussi banal que demander son chemin à un passant qui culturellement ne peut pas répondre qu’il ne le sait pas, vous inventera un chemin. Imaginez si vous avez à développer son intelligence émotionnelle!
Conséquences:
- Émergence de réponses convenues plutôt que de réponses senties et authentiques.
- Mauvaise interprétation ou perception d’un mot, d’un geste, du ton.
Ces quelques points (non exhaustifs) étant considérés, il faut aussi tenir compte du parcours migratoire de la personne, du contexte dans lequel elle vit actuellement, son degré de sécurité, etc. De plus, notre rôle peut sembler évident pour plusieurs, mais n’hésitez pas à valider ce que votre coaché comprend de la démarche. Est-ce qu’il perçoit le coaching comme une punition?
Quelques clés, mais aucune baguette magique!
L’une des clés pour établir une relation de confiance demeure la même qu’avec n’importe lequel de vos coachés : l’écoute et la qualité de présence. Néanmoins, la patience et le courage de questionner votre coaché sur des éléments que vous pourriez mal interpréter seront aussi votre plus grand atout. L’ignorance fait souvent des ravages et lorsqu’il est question de diversité il faut se montrer encore plus prudent et valider nos perceptions, nommer nos peurs, faire preuve nous-même d’un peu de vulnérabilité et d’humilité.
Ne négligez pas l’impact de votre culture dans la relation, de vos référents. Il est normal de juger à partir de notre cadre, mais il est aussi humain d’être déstabilisé. Si vous vous retrouvez dans une impasse, bâtissez sur ce qui est commun et partagé pour solidifier la confiance.
Finalement, il est essentiel de se respecter dans la relation. Si certains comportements vous touchent ou vous choquent, je vous propose de ‘’déculturaliser’’ la situation. Par exemple, si ce même comportement émergeait chez une personne recouverte de tatouages, est-ce que ça m’affecterait autant? Puis, si vous n’êtes plus à l’aise dans la relation soyez professionnel et référez votre coaché, ce ne sera pas faute d’avoir essayé de mettre de nouvelles lunettes!