Le coaching 4.0 pour relever les défis du XXI sièclepar Jean-Pierre Bekier, PCC
Jean-Pierre Bekier est membre ICF Québec, coach certifié, travaillant chez Axe Coaching. Nous le remercions pour sa contribution au Coach Québec de mars et comprenons, à la lecture de son texte, la passion et l’engagement dont bénéficient ses clients.
Suite à l’article sur le coaching paru dans le journal les Affaires du 20 décembre 2014 et intitulé : « aller plus vite et plus loin », je souhaitais enrichir les propos tenus d’une autre saveur, celle du cœur.
Toute vie véritable est rencontre disait Buber. Dans notre société hyper connectée en réseau, l’accroissement considérable du flux des transactions transforme nos interactions qui deviennent plus spontanées, plus organiques et intensément vivantes. Nos rapports humains sont mis à rudes épreuves et subissent de sérieuses dégradations.
Il y a quelques années, j’intervenais comme coach dans une organisation quand un matin, le président me convoque dans son bureau pour me dire « Jean-Pierre, cessez de dire bonjour à tout le monde, nous perdons du temps ». Cet exemple illustre bien cette tendance à la déshumanisation que nous vivons dans certains de nos rapports.
Pourtant l'effet papillon nous aide à comprendre comment la relation peut paraître mineure dans nos organisations alors qu'elle a des effets très significatifs sur les performances de nos écosystèmes.
Notre humanité vit de profondes ruptures, culturelles, spirituelles et sociales. La relation est le plus grand défi universel humain. La relation à soi, aux autres, à la nature et au temps. Dans cette culture du 4.0[1], plus que jamais, l’intelligence relationnelle se trouve au cœur de tous les enjeux du devenir de notre monde et de notre humanité.
C’est probablement pour ces raisons que les neurosciences sociales sont devenues l’une des questions scientifiques les plus brûlantes actuelles. Elles démontrent clairement que nos relations sociales régulent notre cerveau en orchestrant nos émotions. Que notre bien-être et notre santé sont conditionnés par des relations harmonieuses et positives dans notre vie.
Afin de répondre et s’adapter aux réalités émergentes de cette société, le coaching s'est lui-même métamorphosé ces dernières années. Selon mon point de vue, toute la noblesse du « coaching version 4.0 » se situe bien au-delà que la recherche d’efficacité de rationalité causale qui consiste à choisir le moyen le plus efficace (le moins cher, le plus rapide, etc.) pour atteindre rapidement ses objectifs. Ce changement quantitatif reproduisant plus de la même chose, ne produit que très peu d’innovation dans les façons de faire, de penser et de se comporter pour assurer la pérennité et l'épanouissement de nos écosystèmes [2].
La vraie (r)évolution est celle qui nous amène à nous métamorphoser nous-mêmes pour transformer ce qui nous entoure. C’est dans cette perspective écosystémique que le coaching 4.0 contribue à ce monde meilleur que chacun aspire profondément et qui pourtant collectivement prend une toute autre direction.
Pour émerger, ces métamorphoses ont besoin de coaches créateurs de culture. De philosophes de la rencontre sachant relier spontanément les êtres et les sentiments, les choses, les idées et les actions. Elles ont besoin de créateurs d’espace de confiance dans lequel se révèlent librement des territoires cachés et inexplorés, de jokers inspirant le courage, provoquant le chaos de la création et de l’innovation, de musiciens poétiques pour « bœuffer [3] » sur une symphonie de vie porteuse de sens. Elles ont aussi besoin de soutien inconditionnel à la vulnérabilité, à la sensibilité, afin que s’exprime cette richesse de la singularité d’un être ouvert au monde, à l’humanité, à l’existence dans ses relations aux autres et à l’univers[4].
Cette rencontre générative ne peut se co-construire que dans le dialogue, l’altérité, l’authenticité, la présence, la responsabilité, l’humilité, la générosité et l’amour pour les gens.
Ces métamorphoses ne sont pas toujours visibles avec les yeux et nous ne pouvons pas toujours poser les mots justes sur ce qui se produit réellement dans la relation de coaching.
Un matin, j’ai reçu un magnifique témoignage de reconnaissance d’un coaché. Par ses mots touchants, il a su si bien le dire « Les superbes moments de coaching vécus avec mon coach étaient des moments «authentiques». De l'écoute, de l'intimité, une réflexion qui se construit au fil des échanges, une relation dépouillée du superflu, rien que l'urgence du propos et ton accompagnement. L'urgence «du propos» réside dans le besoin de dire. Dans un contexte de coaching, ce besoin de dire s'inscrit dans ma connexion étroite avec «l’autre». Là est la force du coach. »
Après toutes ces années, le coaching a su démontrer ses lettres de noblesse en cette force subtile de la relation qui permet d’enrichir et revitaliser la rencontre entre les êtres pour une vie véritable. Cette force qui nous invite à mettre du jeu dans les attentes idéalisées de nos EGO-systèmes[5]. Cette force qui bâtit la croissance sur le génie et la sagesse de l’intelligence relationnelle.
Cette force de l'interdépendance pour mieux gérer la rivalité entre les êtres humains.
Notre société peut s’appuyer sur cet art de la présence à soi, à l’autre, au monde et à l’univers pour qu’émergent de réels changements d’état d’esprit. Une attention consciente, individuelle et collective élargie, plus présente et responsable aux vrais enjeux d'une société organique et pleinement vivante.
Le coaching 4.0, c’est l’art de ralentir pour co-créer ensemble et « aller mieux ».
[1] Culture du 4.0 ouverture aux valeurs féminines, écologie et développement durable, entrepreneuriat social, économie solidaire, communauté collaborative, changements, développement personnel, spirituel, biens communs
[2] Des pratiques qui permettent à l’écosystème de rester en phase avec son environnement pour perdurer.
[3] Improviser en musique.
[4] Piliers de la relation AOH : s’accueillir soi-même, être accueilli, accueillir les autres, faire partie d’une communauté.