Chevaucher le coachingpar Sylvain Poirier
Quel rapprochement peut-on faire entre le cheval et le coaching? La réponse peut ne pas vous sembler évidente, mais Sylvain Poirier, Ph.D., PCC, qui possède des écuries à Issoudun, dans la grande région de Québec, fait le rapprochement très facilement. Coach Québec lui a posé quelques questions à ce sujet.
- Vous avez développé une initiative de formation en coaching en utilisant le cheval. D'où vous est venue cette idée qui nous semble tout à fait inhabituelle?
Je suis coach professionnel, coach personnel et d’équipes, d’affaires et sportives depuis plus de vingt ans. Depuis mon enfance, je suis un passionné des chevaux, et c’est du potentiel du cheval comme partenaire pour un coach dont j’aimerais vous faire part. .
L’origine de la domestication du cheval remonte à plus de six milles ans, dans les steppes d’Asie centrale. Depuis, c’est un partenaire fondamental de l’espèce humaine. L’idée d’associer le coaching avec le cheval n’est pas nouvelle en soi elle se pratiquait à l’époque de Socrate (d’où origine la maïeutique), donc depuis plus de deux milles ans. Au cours des siècles, le cheval a été indispensable à l’homme, pour toutes sortes de raisons. Par contre, ce siècle est le premier où les chevaux ne sont plus essentiels au transport, au commerce ou à la guerre : on les réserve essentiellement pour les loisirs et le sport, pour notre plaisir.
Il y a quinze ans, le film « L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux » réalisé par Robert Redford et le mettant en vedette, a popularisé la nouvelle perception du monde du cheval. En fait, il s’agit de mieux comprendre le cheval afin de pouvoir entrer en relation avec lui, dans la confiance et le respect mutuels. Ce film montrait simplement un nouvel espace relationnel entre l’homme et le cheval, une nouvelle approche sans violence ni contrainte prenant en compte la nature même du cheval.
Ce film, quoique très intéressant, ne montrait rien de nouveau car déjà, à la fin des années quatre-vingt, une association d’éducation guidée par le cheval voyait le jour en Californie. Cette association a développé une plate-forme très efficace pour les processus d’affaires, le développement du leadership et l’esprit d’équipe basé sur ce nouvel espace relationnel entre deux espèces vivantes. Cette plate-forme d’entraînement est tellement puissante que depuis plusieurs années, la créatrice de cette association offre un programme accrédité CCEU de l’ICF. C’est l’essence même du coaching; « Le but du travail d’entraînement offert est de libérer le potentiel du coach pour le porter à son niveau de performance optimal. Il s’agit de lui apprendre à apprendre par lui-même, plutôt que de lui faire ingurgiter un savoir extérieur. » Gallwey, 2000.
Pour le coach que je suis et ma passion des chevaux, me voilà en émerveillement devant ces initiatives. Depuis 2006 je pratique du coaching avec ce genre de plate-forme.
- Comment peut-on réellement transférer l'apprentissage de la gestion d'une relation avec un cheval à qui on veut finalement faire accomplir les choses que l'on souhaite, à une relation de coaching où la personne coachée demeure tout à fait libre de ses actions?
La prémisse de base pour expérimenter cette plate-forme est de considérer le cheval comme un Être vivant, sensible, libre, ayant droit à ses décisions au même titre que sont les humains, afin de pouvoir entrer en relation avec lui dans le respect et la confiance.
Le travail se fait au sol. , Il s’agit de construire et d'entretenir une relation avec le cheval dans un endroit fermé. Le cheval devient alors un véritable révélateur de ce qui se passe en dedans de nous. Tout y passe, le non-engagement dans la consigne, la bienveillance, le respect, la communication, la contrainte de l'espace, l'immobilité, le silence, l'écoute, le regard... Établir une relation avec le cheval par l'intention et la posture, c'est possible sans rapport de force ou de souhait de prendre le dessus par la contrainte et l’autorité.
Offrir une présence de qualité fait la différence entre avoir une relation et être en relation. Une des clés de cette présence réside en la réceptivité et l’agilité à reconnaître et gérer ses propres émotions et à accueillir et accompagner la vie émotionnelle des autres. C’est la base même du perfectionnement de nos habilités de coach rendu possible grâce à des activités pratiquées avec le cheval.
- Quelles sont les dimensions relationnelles qui se ressemblent dans les deux cas, soit la relation avec un cheval et la relation avec un client en coaching?
La communication entre les chevaux et les humains s’établit très bien. On se souvient que plus de 90 % de la communication est non-verbale. En partenariat avec le cheval, on cherche principalement à éveiller notre mental à la sagesse du corps, avec conscience, dans le moment présent, et en offrant une attention accueillante et sans jugement. L’intégration de ces aspects permet d’aller plus en profondeur. On parle de présence attentive, de cohérence, de co-créer des situations saines et d’expérience de non-jugement.
- Qu'est-ce qu'un/e coach peut retirer d'une telle expérience qu'il/elle peut appliquer dans sa pratique de coaching, ou en d'autres mots, à quelles compétences essentielles fait-on appel dans la relation avec un cheval?
La présence du cheval change la dynamique relationnelle. Le non-verbal prend toute son importance. Le client se révèle malgré lui, consciemment ou pas. Le client peut se sentir plus vulnérable, étant dans un lieu et dans un contexte moins familier, hors de sa zone de confort.
Le client est plus actif que lors d’une approche traditionnellement « verbale », qui fait majoritairement appel au cognitif.
Les compétences 3, 4, 5, 8, 9, 10 et 11 se pratiquent particulièrement bien avec le cheval, puisque c’est une plate-forme de travail relationnel, expérientiel et dans le moment présent.