17 mars 2014

Chronique recherche en coachingpar Yvon Chouinard

Erratum : Lors de l'envoi du Coach Québec de mars par courriel, cette chronique aurait dû apparaître et non la chronique de février. Nous nous en excusons.


L’EFFICACITÉ DU COACHING EXÉCUTIF LORS DE CHANGEMENTS ORGANISATIONNELS IMPORTANTS

Le changement perpétuel à l’échelle planétaire

La terre est devenue une boule de changement sans fin dont nous connaissons les détails à la minute près. Peu de régions de la planète ne sont pas touchées par les impacts de ces changements multiples, variés et de différents ordres de grandeur. Les organisations n’y échappent pas, bien sûr. En fait, la turbulence du changement fait maintenant partie de la vie quotidienne des organisations, non seulement en Occident, mais également dans d’autres continents où les économies émergentes s’ajustent à la demande mondiale pour des produits et des services.

La turbulence organisationnelle générée par le changement a un caractère rapide, discontinu et important. Elle est généralement provoquée par des restructurations, des fusions, des acquisitions, des désinvestissements, des réductions de personnel et des courants économiques soudains et imprévisibles.  Les dirigeants doivent alors faire face à des défis de gestion majeurs afin de développer les habiletés psychologiques et comportementales appropriées pour bâtir des équipes de travail efficaces et atteindre les objectifs organisationnels, malgré tout.

Dans le but d’examiner si le coaching peut aider les cadres supérieurs et les gestionnaires durant les périodes de changement important dans les organisations, Anthony Grant, chercheur à l’Université de Sidney, en Australie, de concert avec la firme de coaching YSC et la compagnie Sinclair Knight Merz (SKM), une firme d’ingénierie qui gère des projets dans 17 pays, ont mené une étude dont les résultats ont été publiés dans Journal of Change Management1.

Description de la recherche

Afin d’explorer l’impact du coaching exécutif durant une période de changement organisationnel, les chercheurs ont utilisé autant des indicateurs quantitatifs que qualitatifs auprès de 38 cadres supérieurs et gestionnaires qui ont entrepris un programme de coaching.

L’organisation à laquelle appartenaient les participants avait subi de nombreux changements durant les dernières années, dont la venue d’un nouveau chef de la direction, une transformation majeure du modèle d’affaires et une restructuration récente. Des pourparlers étaient aussi en cours afin d’explorer la possibilité d’une fusion avec une autre firme dans le but de rencontrer les cibles de croissance fixées par la nouvelle direction. Généralement, de tels changements créent du stress important chez les employés et les cadres qui tentent alors de s’ajuster à de nouvelles réalités organisationnelles.

Les buts premiers du programme de coaching comprenaient le développement des habilités des participants à gérer le changement, à composer avec l’ambiguïté, et à favoriser des relations transversales productives dans la firme. De plus, le programme de coaching fut utilisé comme un moyen de soutenir les participants dans la gestion de leur carrière en leur permettant d’avoir une compréhension plus profonde de leurs forces individuelles, de leurs valeurs personnelles ainsi que de leur besoin de développement.

Les séances de coaching furent effectuées par 14 coachs exécutifs expérimentés appartenant à une firme mondiale de psychologues industriels. Douze des coachs étaient des psychologues, les deux autres étant des coachs certifiés.

Les hypothèses de base étaient que la participation des gestionnaires à un programme de coaching serait associée à une amélioration de leur pensée orientée vers des solutions, une plus grande habileté à composer avec le changement, un sentiment plus important de résilience et d’efficacité personnelle dans l’exercice de leur leadership, une amélioration de l’atteinte de leurs buts, et finalement une diminution d’états dépressifs.

Évaluation des résultats avec la méthode GAS

L’évaluation du succès des initiatives de coaching dans les organisations est encore un sujet controversé. Personne ne s’entend encore sur les moyens les plus appropriés pour gérer et mesurer les résultats du coaching. Un certain nombre d’auteurs insistent sur le fait que les organisations existent pour générer des bénéfices, et que le retour sur l’investissement (ROI) est le paramètre le plus important pour évaluer les résultats du coaching.

Ce point de vue n’est pas sans ses détracteurs qui estiment qu’il est presque impossible d’isoler le coaching des autres facteurs qui peuvent contribuer à la performance de la personne coaching ou des résultats de l’organisation. Le calcul devient encore plus problématique durant les périodes de turbulence organisationnelle et de changement.

Les auteurs de la recherche ont donc emprunté un chemin différent pour évaluer les retombées du programme de coaching avec les participants. En effet, ils en sont venus à la conclusion que le coaching durant les périodes de changements organisationnels exigeait l’identification et la poursuite de buts reliés à la mission de l’organisation et que les progrès réalisés vers l’atteinte de ces buts serait une mesure plus utile pour évaluer le succès du coaching que des estimations financières spéculatives (ROI).

Ils ont donc décidé d’utiliser la méthode GAS (Goal Attainment Scaling) développée par  Kiresuk et Sherman2et qui est employée dans des contextes comme l’éducation, la réhabilitation, le travail social et la médecine.En 2012, Yaron Prywes3, un coach de New York a d’ailleurs rédigé une thèse doctorale sur la méthode GAS,dans un contexte de coaching comparé à un contexte de non-coaching.

Les résultats de la recherche

Les résultats de la recherche fournissent la preuve que durant les périodes de changement organisationnel, le coaching peut en effet être efficace et peut avoir un impact positif sur l’atteinte des buts qui sont liés à la mission de l’organisation.

La recherche a aussi démontré que la méthode GAS peut avoir le potentiel d’être un outil efficace pour mesurer les changements organisationnels et les initiatives de développement comme le coaching.

D’autre part, la participation à un programme de coaching a généré chez les participants, une augmentation importante de la pensée orientée vers des solutions, une habileté clé lors de situations de turbulence organisationnelle où les leaders ont tendance à se tourner vers leurs habiletés analytiques des problèmes.

Le coaching a aussi permis aux participants, tel que mesuré par la recherche, de prendre davantage de recul et de réfléchir à leur style de leadership, ce qui les a rendus plus conscients de leur impact dans leurs interactions avec les autres et ainsi mieux travailler avec eux.

Le coaching a aussi eu un impact positif sur leur préparation au changement et leur sentiment d’efficacité personnelle, un élément crucial pour mobiliser les membres de leurs équipes.

Finalement, le coaching a aussi été efficace pour réduire les états dépressifs et pour augmenter leur résilience, en plus d’avoir des retombées positives sur leur vie familiale.

Conclusion et implications pour les coachs exécutifs

Cette recherche nous indique que le coaching exécutif peut avoir de nombreux effets positifs lors de changements organisationnels importants.

Cependant, les coachs et leurs clients doivent se rappeler qu’il est très important de définir très clairement le point focal de l’intervention de coaching et de s’assurer que les sujets traités en coaching sont dans la sphère d’influence ou de contrôle du client en coaching, afin de pouvoir être capable de mesurer adéquatement les effets du coaching.

Sans doute, un élément très important à retenir de cette étude est le fait que le coaching a eu un impact sur d’autres secteurs de la vie des cadres supérieurs et gestionnaires qui y participaient. Notamment, les participants ont rapporté avoir connu une meilleur équilibre travail/vie personnelle, de meilleures relations avec les membres de leur famille, moins de stress et un plus grand calme et une perspective plus positive à propos d’eux-mêmes et de la vie en général.

 

  1. Grant, A. M. (2013). The Efficacy of Executive Coaching in Times or Organizational Change. Journal of Change Management, DOI: 10.1080/14697017.2013.805159
  2. Kiresuk, T.J. & Sherman, R.E. (1968). Goal attainment scaling: A general method for evaluating comprehensive community mental health programs. Community Mental Health Journal, 4(6), 443-453.
  3. Prywes, Y. (2012). Examining the Influence of Goal Attainment Scaling on Changes in Goal Attainment in a Coaching Versus Non-Coaching Context. Submitted in partial fulfillment of the requirements for the degree of Doctor of Philosophy under the Executive Committee of The Graduate School of Arts and Sciences, Columbia University. New York City.http://academiccommons.columbia.edu/item/ac:143064
Yvon Chouinard ACC, CRHA