La Communication Non-Violentepar Gilles Tétu
La Communication Non Violente
Dans notre société actuelle, que ce soit au travail, dans nos interactions sociales ou même en ligne, nous sommes de plus en plus confrontés à la violence communicationnelle. Peut-être même en sommes-nous responsables parfois? Heureusement, il existe des moyens de changer cela. Une solution commence par nous-mêmes et par le pouvoir que nous avons d’analyser et de gérer des situations potentiellement agressantes. Cette approche a été développée (1) par Marshall B. Rosenberg sous le nom de "Communication Non Violente" (CNV). Certains auteurs (2) proposent même de la renommer « Communication sans violence » pour mieux refléter l’esprit de l’approche. Voyons-en tout d’abord les obstacles.
Les obstacles à la Communication Non Violente
La CNV rencontre plusieurs obstacles, qui peuvent entraver une communication fluide et constructive. En voici quelques-uns :
1. Le jugement : Lorsque nous jugeons l'autre, nous risquons de le mettre sur la défensive, ce qui bloque la communication. Par exemple, dire "Le problème avec toi, c’est que tu es égoïste" place l'autre en position de défense et empêche toute conversation constructive.
2. Le refus de la responsabilité : Des phrases comme « Ce que je t’ai dit t’a offensé, mais ce n’est pas ma faute, je suis transparent » ou « J’arrive en retard parce que je suis trop occupé » sont des exemples de refus de prendre la responsabilité de nos actions et de nos sentiments (ceux-ci étant de notre ressort). Cela crée des barrières à la communication authentique.
3. Les menaces et exigences : Des ultimatums comme "Si telle personne est présente, je n’entre pas travailler" ne favorisent pas un échange ouvert. Ce genre de communication est coercitif, et n’offre pas d’espace à la discussion.
4. Les généralisations : Utiliser des mots comme "toujours", "jamais", "tout le temps" ou "chaque fois" est à éviter. Par exemple, au lieu de dire "Tu m'interromps tout le temps", il est préférable de dire "Hier, tu m'as interrompu cinq fois". Cette précision permet d'éviter des accusations trop vagues et d'engager une conversation plus ouverte.
Les quatre étapes de la Communication Non Violente
La CNV repose sur quatre étapes principales, qui peuvent être utilisées dans un ordre flexible selon les circonstances :
1. Observer les faits sans jugement
La première étape consiste à observer les faits tels qu'ils sont, sans les interpréter ni les juger. Ce n’est pas ce que l’autre fait qui génère notre sentiment, mais plutôt la manière dont nous choisissons de réagir à ce qu’il fait. Par exemple, au lieu de dire « Tu fais rarement ce que je te demande », il est préférable de dire « Cette semaine, je t'ai demandé deux choses que tu n’as pas faites ». La question à se poser est : « Qu’est-ce qui, dans les actions d’autrui, contribue ou non à mon bien-être? ».
2. Exprimer les sentiments
Rosenberg souligne que nous avons souvent un lexique plus riche pour juger les autres que pour décrire nos propres émotions. Les sentiments répondent à la question : "Qu'est-ce que j’éprouve ?" Ainsi je pourrais dire « Je me sens contrarié » ou « Je suis inquiet de ne pas être entendu ». Cela nous permet de mieux communiquer ce que nous vivons. Pour développer un vocabulaire de sentiment, remplacer « je me sens bien » par un sentiment comme « je suis content, enthousiaste ou soulagé ».
3. Préciser le besoin
Nos émotions sont souvent le reflet d'un besoin insatisfait. Il est crucial de reconnaître que nos sentiments viennent de nos propres attentes et besoins, et non des actions des autres. La question (3) de cette étape est : « Quels besoins sont liés aux sentiments identifiés ? » Nous exprimons alors le besoin qui est à l’origine de nos sentiments. Par exemple, au lieu de dire "Je suis en colère parce que le directeur n’a pas tenu sa parole", il est plus utile de préciser : "Je suis frustré que le directeur n’ait pas tenu sa parole, car j’avais besoin de pouvoir utiliser ce budget pour un nouvel appareil (besoin)". En formulant ainsi notre besoin, nous facilitons la compréhension mutuelle. Autre exemple : « Je suis déçu quand tu dis cela parce que j’ai besoin de respect et j’entends tes paroles comme une insulte ».
4. Formuler la demande de manière claire et positive
Une demande dans le cadre de la CNV doit être exprimée de manière claire et positive. Répondre à la question « Qu’est-ce que je veux (3) ? », en formulant ce que nous voulons plutôt que ce que nous ne voulons pas. Plus nous sommes précis sur ce que nous souhaitons, plus nous avons de chances de l’obtenir. Une femme qui a dit à son mari de passer moins de temps au bureau s’est fait répondre une semaine plus tard qu’il s’était inscrit au golf. Elle aurait dû lui dire plutôt qu’elle voulait qu’il passe un soir par semaine à la maison avec elle et les enfants (demande claire et positive).
De plus, pour s’assurer que notre message a bien été compris, il peut être utile de demander à l’interlocuteur de reformuler ce qu’il a compris. Par exemple, "J’aimerais savoir ce que tu retiens de ce que je viens de te dire". Si la personne n'est pas prête à faire ce retour, il est important de rester empathique et de préciser que l’intention est de vérifier la compréhension mutuelle, non de douter de l’autre.
Enfin, il est essentiel de remercier la personne pour sa collaboration, ce qui permet de renforcer le lien et l'écoute. L’empathie et le respect deviennent alors contagieux.
Conclusion
Le mythe de la CNV est cette idée fausse qu’elle est associée à la faiblesse, à l’inaction et n’est utile que pour des adversaires bienveillants. Alors que l’expérience et la littérature à montrer ses impacts importants dans de nombreuses résolutions de conflits (5).
Rosenberg rappelle (1)(2)(3)(4) que la CNV n'est pas seulement une manière de parler, mais une démarche qui vise à faciliter l'empathie et à prendre conscience des besoins de chaque interlocuteur. Il souligne également que l'écoute active de l’autre est tout aussi importante que l’expression de nos propres sentiments et besoins. L'essentiel est de favoriser une relation respectueuse et compréhensive, en créant un espace d’échange bienveillant et authentique ayant des résultats plus pérennes.
Je vous laisse avec cette pensée : « Les gens sont comme le thé; ils ne savent pas à quel point ils sont forts jusqu’au moment où ils sont dans l’eau chaude ». Auteur inconnu.
Gilles Tétu est président de TGCO Inc., coach professionnel certifié PCC(ICF) et auteur en gestion (Journal les affaires, infolettre ACSSS et infolettre Coach Québec.)
Il a été cadre supérieur et directeur général dans le réseau de la santé ainsi qu’enseignant à l’Université Laval, conférencier au Québec et à l’international et consultant.
Ses sujets d’enseignement au deuxième cycle universitaire ont été la négociation interpersonnelle, la communication et le coaching de gestion. Il donne des formations sur « 90 jours pour réussir » aux nouveaux cadres du réseau de la santé. Il fait aussi du coaching individuel et de groupe.
Bibliographies
- Rosenberg M. Les mots sont des fenêtres (ou des murs), Ed. Jouvence, 2021 (Livre de base du fondateur de la communication non-violente)
- La communication non violente, Wikipédia
- Nonviolent communication (nvc), Universität Innsbruck, fév. 2025. www.uibk.ac.at
- Shultz J., Wilson C., Your complete non-violent communication guide, 2020, https://positivepsychology.com/
- Finnegan A.,Hackley S., Negotiation and nonviolent action : interacting in the world of conflict. Negotiation journal, MIT press, https://direct.mit.edu/. (Article des plus intéressants, fait un amalgame entre la négociation et la communication non violente. Très pertinent pour la situation politique actuelle. Fais référence à Mandela, Gandhi, Kennedy et Luther king.)