Intervenir sur l’enjeu véritable du clientpar J.-R. Bonin / J. Deault
« J’ai un problème de cash-flow et ça m’inquiète! Tous les jours, je surveille mes états de compte pour voir combien de temps je peux fonctionner sans de nouvelles entrées de revenu et si je peux garder mon personnel. Puis à cause de cela, je ne peux pas aller en Europe rencontrer mes nouveaux clients! » Comment l’approche de coaching et de développement intégral traiterait-elle cet enjeu apporté par cette cliente?
Commençons par quelques points de repères clés. L’approche de coaching et de développement intégral vise à avoir une compréhension globale de la personne, de sa situation immédiate et surtout de sa manière de saisir la réalité, de voir le monde, d’être et d’agir.
Le coach essaie de comprendre l’environnement de la personne, sa relation avec les autres, son paysage intérieur, l’énergie dont elle dispose pour le changement, ses émotions. Il observe comment celle-ci construit son interprétation du monde qui se reflète dans son langage; comment elle crée du sens et, au fond, comment elle appréhende sa réalité. Il examine le rapport entre les intentions de la personne et ses actions : quels comportements répétitifs ou patterns apparaissent dans quelles circonstances? Et finalement, il se demande ce qui serait utile (pour avancer) et adéquat (compte tenu d’où elle est) pour celle-ci en ce moment.
Ce qui est sous-entendu ici, c’est que la situation initiale énoncée par la cliente, bien qu’elle y porte actuellement son attention et son énergie, n’est pas nécessairement l’enjeu véritable du moins celui qui, une fois le travail amorcé, l’amènerait à une meilleure relation avec ses propres capacités.
Demeurer au niveau de la situation initiale risquerait de conduire à une conversation de « comptabilité » et de colonnes de chiffres et donnerait sûrement certains résultats. Mais, est-ce que la cliente deviendrait plus « compétente » pour autant?
On pourrait également aller plus loin et déterminer un objectif à atteindre relativement à comment maintenir un niveau de cashflow équilibré et à comment développer son efficacité relativement à cet objectif. On aurait sûrement des résultats supérieurs à la première approche parce que l’on s’intéresserait non seulement à l’aspect technique, mais aussi à certaines compétences de la cliente en regard d’un objectif.
Peut-on aller encore plus loin? Comment déceler l’enjeu véritable? Que faire pour qu’un succès dans cette situation se répète dans d’autres circonstances?
Pour y parvenir, l’approche de coaching et de développement intégral présuppose que chaque personne est unique, complexe et que l’intervention du coach porte sur la personne et non sur la situation. Tous les entrepreneurs font face à des difficultés de cashflow, ils peuvent avoir accès à des techniques de gestion similaires, mais chacun les perçoit, en parle et y réagit de manière unique. Il s’agit de créer des forces internes qui soutiennent l’action à long terme.
Revenons à notre cliente et sa situation initiale de cashflow. Elle avait entrepris diverses actions : regarder ses comptes sous tous les angles, envoyer un courriel « dur » aux clients récalcitrants (mais sans effet), renoncer à son voyage en Europe, etc., mais sans succès et avec le découragement en prime!
Qu’a-t-elle découvert dans sa conversation d’une heure trente avec le coach? D’abord que son problème de cashflow était le résultat non pas uniquement de clients qui ne le paient pas à temps, mais surtout de certaines de ses croyances : les autres vont forcément agir comme elle (c’est-à-dire, payer sur-le-champ ses factures) parce que c’est LA bonne chose à faire sur le plan éthique; si elle faisait une demande explicite d’être payée, cela nuirait à ses bonnes (sic!) relations avec ces clients, etc.
Sa façon de voir faisait en sorte que c’était littéralement impossible pour elle de formuler une demande claire et explicite à ses clients. Elle était paralysée. Demander de l’aide à ses employés et partenaires était en dehors de son radar. Tout prendre sur ses épaules était normal. C’était sa responsabilité de patronne. Ouf!
Donc, le fait de se voir aller, c’est-à-dire de comprendre son « schéma narratif », a été un moment de Ha!Ha! Cela a ouvert la possibilité d’être autrement et donc de pouvoir agir différemment. Ses épaules se sont littéralement relevées. Elle a pu se voir sans se juger et s’engager dans une nouvelle façon de faire. Avec le coach, elle a recadré sa vision des choses – voir, sentir, agir différemment pour obtenir les résultats recherchés.