17 mars 2014

D'où vient l'alliance?par Guylaine Grenier, PCC

Lorsque je retourne dans mes interventions de coaching individuel ou collectif, je me souviens…

De moments d’hésitations, de retenue : est-ce que cela pourra être entendu ? Est-ce que ceci est juste ?  Est-ce que cette intuition folle de faire cette expérimentation sera accueillie ?

Des moments – secondes – qui semblent parfois longues ! Des moments aussi, qui reviennent en boucles, d’une rencontre à l’autre, car je n’ose pas nommer parfois…

Je me souviens aussi…

De joie pure d’avoir franchi une limite; la mienne. D’énergie dans les yeux de mon coaché parce que le sens, l’alignement sont là spontanément après un reflet ou une question puissante. De tremblements aussi car la vérité qui émerge bouscule la défense. De la clarté vive et rapide après un exercice de type symbolique qui fait aller spontanément ailleurs, sans peur…

Qu’est-ce qui fait que – en dehors de nos compétences « techniques » – nous osons être le coach que nous sommes ? Qu’est-ce qui fait que le client, osera être aussi, qui il est avec assez de courage pour laisser émerger ce qui vient de l’intérieur et qui lui permettra d’inventer sa nouvelle réponse?

En coaching, on pourrait dire que nous sommes des alliés  (coach et coaché)  qui faisons un pacte, que nous sommes liés autour d’un projet qui devient commun pour un temps; le temps d’une démarche de coaching et que notre « alliance » donnera de la puissance à l’apprentissagetransformant qui est en jeu.

J’ai pu constater, au fil du temps,  l’importance et l’effet protecteur que nous fournit le cadre d’une démarche de coaching. On y pose un objectif clair, des rôles mutuels bien délimités, des règles d’éthique, une route esquissée qui devrait permettre de se rendre aux résultats voulus.

C’est déjà beaucoup! Car ainsi, ce cadre permettra d’une part, de se sentir en confiance et donnera, d’autre part,  le goût de l’aventure. C’est l’amorce de l’alliance, c’est la préparation à sa naissance.

Schéma 1 : Le cadre du coaching



Qui dit naissance, évoque la fusion et la séparation…

C’est dans ce paradoxe que naît réellement l’alliance, être séparé et se relier.

Edgard Morin lui, parle de distinguer et relier!

Le contact est l’essentiel du développement humain et c’est bien là, le fondement du coaching. C’est par cette qualité de contact qu’il sera possible, pour le coaché, d’explorer sa source, ses besoins, son impact, son environnement, son devenir et d’autres agir, en étant en relation avec l’autre.

Ça prend de la confiance! Cette confiance, elle se nourrit d’expériences vécues, teintées de présence et d’intimité.

C’est dans cette frontière du contact que je me sens « moi », différent et différencié et qui – à la fois – me connecte à l’autre.

C’est dans cette frontière physique et psychologique ressentie- La peau en est un bel exemple! Elle met une frontière et est aussi un espace de contact - que se développera le territoire le plus vivant de notre « nous ». C’est la place des règles qui nous relient  et des choix que nous oserons faire, pour plus de liberté. Des protections pour oser explorer l’inconnu…

C’est aussi dans la présence à soi et à l’autre, que chacun pourra « voir  et sentir » ce qui est là, ce qui est accessible et reçu par l’autre dans son propre « territoire ».

C’est là où l’alliance se nourrit et grandit... 

Schéma 2[1] : Les ingrédients de l’alliance

                                                  

Il est évident aujourd’hui que notre ère est celle de la reliance. L’alliance m’apparaît maintenant nécessaire et forge mon courage à fonder des relations privilégiées dans l’intimité et la puissance. Mon client me paie pour avoir accès à quelque chose d’authentique, d’assez confrontant pour qu’il soit stimulé à se dépasser lui-même dans ses limites, assez pour faire ce qu’il ne veut – ne peut pas faire dans son environnement, dans l’immédiat. Il compte aussi sur moi pour rester – quoi qu’il arrive et l’accompagner dans le respect.

L’alliance est peut-être un sentiment de confiance donné gratuitement au départ, mais ce n’est pas suffisant. Elle n’est pas que la main tendue et la grande oreille ! L’alliance, c’est faire front ensemble, chacun dans son rôle. Le coach osera des hypothèses provoquantes tout en demeurant le gardien du « contrat »  afin de maintenir une direction éclairée et rassurante.

Mon expérience de coach m’a appris à la revoir, la regarder de près avec mon coaché pour la nourrir et comprendre ce qu’elle nous permet – ou pas… L’alliance donc, mérite d’être remise en question, évaluée avec le « jugement suspendu » pour que la relation évolue.  Mon apprentissage est qu’après ces moments d’ « évaluation », chaque fois, nous nous sommes sentis plus près, en plus grande confiance et avec un plus grand désir d’oser. C’est aussi, partie prenante de notre bouclage de fin de parcours, car cette alliance va aussi « mourir » en ce qui concerne la démarche qui nous reliait. Elle pourra renaître pour un autre but !

Comment savoir si notre alliance est vivante ? Voici quelques questions suggérées :

  • Qu’est-ce qui est ressenti corporellement en termes de qualité de relation? Quel est notre degré de confort, d’énergie, de présence et d’attention?
  • Y a-t-il de la synchronicité entre nous? C’est-à-dire, sommes-nous ensemble, simultanément, à une certaine place?
  • Est-ce que nous faisons appel à notre intuition? Est-ce accessible, permis pour les deux?
  • Suis-je  capable de présence, sans complaisance ? De stimuler sans avoir besoin de plaire? D’être à l’écoute sans être molasse?
  • Y a-t-il de l’ouverture à l’inconnu, à la prise de risques, la possibilité de créer? À faire autrement ?
  • Avons nous accès à l’essentiel ?
  • Les besoins d’être « vu et entendu » sont- ils comblés ?

 

Ne pourrions-nous pas dire qu’il s’agit là de « preuves », d’empreintes d’intimité, de confiance, d’engagement mutuel et de puissance dans la relation?

L’alliance, ce n’est pas fleur bleue, c’est comme l’histoire de la rose avec les épines qu’il faut apprivoiser…



[1] Schéma inspiré d’un instrument crée par Danièle Darmouni, Fondatrice d’International Mozaik,  la Boussole du changement qui contient entre autres, 2 axes : L’axe de la relation – Je – Nous et l’axe de la puissance – Défi - Résultats.

Guylaine Grenier, PCC PCC