20 mars 2025

Besoin d’innover dans nos pratiques de coaching ?par Roselyne Giguère, Sophie Gélinas, Johanne Landry , Antoine Théberge

C’est en 2022, en nous questionnant sur les enjeux auxquels seront confrontés les leaders de demain qu’a émergé l’idée de se questionner à savoir si, face à ces nouveaux enjeux, « notre façon de coacher ne devrait-elle pas se transformer? ». C’est ainsi qu’une poignée de coachs provenant d’écoles et de réseaux différents se sont associés pour explorer la question.

Le chemin parcouru n’a pas été une ligne droite; nous avons oscillé entre enthousiasme, découvertes, remises en question et doutes. Jusqu’ici nos bilans nous ont éveillé à l’importance d’un tel lieu d’exploration, d’émergence, d’innovation et de partage et nous souhaitons rassembler l’essentiel de nos découvertes pour les partager dans cet article.

Un cadre souple, des permissions et des protections

Dès le départ nous avons créé un cadre de rencontre, un pacte de coopération, reposant sur des valeurs de bienveillance, de souplesse, de plaisir, d’engagement, d’assiduité et de partage des responsabilités, capable de nous permettre à chaque fois les ajustements nécessaires.

Nos rencontres ont été structurées de manière souple en 3 temps : la mise en route, l’exploration et le bouclage. Rapidement nous réalisons que ce premier temps de mise en route consacré à “se relier” nous permet de valoriser la richesse de l’imprévu et à faire place à l’émergence spontanée.

Au fil de nos rencontres nous avons fait le choix d’avancer sans objectifs précis, et d’expérimenter, non pas dans un esprit d’essais-erreurs mais plutôt d’essais-découvertes. Préférant rester connecté.e.s à cette intention d’exploration, nous avons placé notre confiance dans l’ENSEMBLE et avons préféré habiter un espace d’être (d’expérimentation) plutôt que de faire (de pratiques et de modélisation). Au travers des différents thèmes, liés ou non, nous restons attentif.ve.s au vécu, connecté.e.s à l’émergence, au moment présent, au Je, au Nous, au Ça, au méta. Appuyé.e.s de nos permissions et protections, dans cet espace de sécurité psychologique, nous osons, sans censure ni théorie, un partage généreux, spontané, au service du collectif, nous nous permettons le challenge et même l’inconfort face aux arrêts, silences et questions sans réponses.

Dans cet espace de liberté nous réalisons que nous accueillons non seulement les personnes, les expériences et les partages, mais aussi et surtout l’incertitude et le vide. Dans la souplesse, mais en respectant cadre et déroulement, c’est comme si nous avions utilisé et en même temps transcendé les recettes et les modèles; nous nous sommes permis d’habiter davantage de flou.

Les découvertes et les récoltes

Même si, au fil de cette exploration sinueuse, nous avons oscillé entre remise en question et doute, nous étions amusé.e.s et reconnaissant.e.s d'habiter cet espace d'éveil de conscience et de découverte. En ayant notre lien, notre sécurité, notre ensemble, comme socle, même sans cibles et sans indicateurs, les fruits ont été abondants.

Un de nos apprentissages a été de réaliser que la force de ce lieu d’émergence a été générée par quatre moteurs que nous entretenions: l'intention, l'engagement, les principes et l'émergence.

  • L’intention: une mise à jour et un retour constant à l'intention. Habité.e.s par les lois du vivant, l'intention était posée davantage dans le voyage, dans la direction, que dans la destination.
  • L'engagement: nous avons nourri et pris soin de notre engagement. Malgré le brouillard, malgré le flou, nous étions réellement engagé.e.s à expérimenter ensemble. Et c'est cet engagement à rester lié.e.s, interdépendant.e.s, et confiant.e.s, qui a amené ce quelque chose de très fertile.
  • Principes: nous nous sommes donné la latitude de revisiter et rechoisir, au fur et à mesure, nos couleurs, nos permissions, nos protections. Là était la force de notre ensemble.
  • - Émergence: constamment attentif.ve.s à ce qui émergeait, dans une présence intuitive, en se permettant l’espace, en ralentissant le rythme, dans le silence, la tranquillité, prêt.e.s à cueillir ce qui souhaitait se révéler.

Ainsi propulsé.e.s nous avons découvert, au-delà du contenu des discussions, que c'est dans la forme que la récolte a été la plus riche : dans la forme de cette invitation constante au recentrage, dans la forme de ce challenge à la sécurité qu’apporte habituellement structure, cadre et atteinte des résultats, dans la forme de cette acceptation nourrie de rester en présence des points de suspension, en présence d'une apparence de rien, quitte à paraître faire du surplace.

Ce que cet espace a amené pour nous de plus riche c'est le renforcement de notre corps de coach, de ces muscles qui, face à l’inconnu, face à l’émergeant, nous permettent de rester dans l’accueil, dans l'ouverture et la curiosité. Combien de fois nous nous sommes dit: “ish … est-ce que quelqu'un va parler, qu’est-ce qu’on fait là, où en sommes-nous, qu’est-ce qui émerge, …?”, et tranquillement ce sentiment faisait place à la sécurité et à l’aisance dans la lenteur. Cette permission que nous nous sommes données de “perdre la boule” ou de "perdre le nord", nous aura permis de renforcir cette forme, cet espace, ce muscle qui nous donne la force, le courage et le désir de repartir avec des questions qui n’auront pas immédiatement de réponses, de proposer du surprenant, d'accueillir ce qui mérite d’être mijoté, de rester serein.e dans le flou.

Une nouvelle posture a été renforcée, et cette paix, cette sérénité, s'est matérialisée dans un outil: une carte blanche ... où il est permis d’écrire ce qu’on veut. Plus ancré.e., plus lent.e, plus confortable face à l'inconnu et ce qui émerge, nous sommes plus à l'aise dans la courbe du U et prenons conscience que nous osons davantage nous lancer. Dans nos moments de coaching – suspendu dans le vide, habitant le ralentissement et la tranquilité, davantage à l’écoute de notre corps, fragile et vulnérable – notre carte blanche apparaît et avec elle la facilité d’oser … un poème, une musique, une chanson, un mouvement, un rapprochement, une question sans réponse, une invitation, …

Et maintenant… que répondons-nous à notre question du début?

Notre manière de coacher doit-elle se transformer, que devons-nous faire pour innover dans nos pratiques ? Et bien peut-être la réponse se situe-t-elle davantage dans l’être que dans le faire : permettons-nous de créer ces laboratoires d’être en plus de nos laboratoires de pratiques. Créons ces espaces qui nous permettent de développer notre muscle de la tranquillité. Exerçons-nous à rester confortables et confiant.e.s, en présence tranquille et attentive, et accueillir sereinement ces espaces de flou. C’est donc une invitation qui est lancée à créer et expérimenter vous aussi ces espaces d’accueil, de vrai, de lien, de remise en question, une invitation à fortifier vous aussi votre muscle de la tranquillité.

À la lecture de notre billet, qu’est-ce que cela vous inspire?

Roselyne Giguère, MCC
Sophie Gélinas, PCC
Johanne Landry , PCC
Antoine Théberge, PCC

Roselyne Giguère, Sophie Gélinas, Johanne Landry , Antoine Théberge