15 décembre 2010

Qu’est-ce donc à la fin que le leadership?par Jean Raymond Bonin, PCC

« J’ai besoin d’améliorer mon leadership.  Pouvez-vous m’aider ? » - « Et qu’est-ce qui vous amène à  formuler une telle demande? » - « Dans ma dernière évaluation de  rendement, mon DG m’a dit que j’en avais besoin pour que mes employés me  suivent et si je voulais avoir ma promotion… »

Quelques observations

Au fil des  ans, être un « leader » est devenu une obligation. Mais parce que  c’est tellement banalisé et utilisé à toutes sortes de sauces, ça veut tout  dire et ne rien dire à la fois. Qu’est-ce qu’on entend par leadership? Si on  tape le mot « leadership » dans Google, on obtient 173 millions de  résultats en 0,23 seconde. En restreignant la recherche à « définition du  leadership », on obtient 643 000 résultats en 0,32 seconde. De quoi  lire dans les transports en commun pendant toute une carrière!

Dans  certains cas, on identifie même le leadership au statut, comme dans l’appellation  « équipe de leadership » pour désigner la direction d’une  organisation. Comme si ça venait en prime avec la promotion!  Il ne s’agit pas ici de nier le besoin criant de personnes avec une capacité de  leadership à la tête des organisations. Tout au contraire!

On observe  également que plusieurs organisations et entreprises ont élaboré des profils de  compétences visant à cerner les comportements souhaités à l’appui du  développement du leadership parmi leurs membres. Par ailleurs, comme pour n’importe  quel outil, la compréhension et l’utilisation du contenu de ces profils varient  d’une personne à l’autre. Pour certains, c’est l’occasion de grandir alors que  pour d’autres, les profils ne sont qu’un manteau dont on se drape au moment  opportun.  Une bonne casserole ne fait  pas nécessairement un bon chef!

Une distinction éclairante

Ronald  Heifetz1, du Harvard’s Kennedy School, propose quatre dimensions  intéressantes pour mieux comprendre l’essence du leadership et éclairer  quelques confusions courantes. Il distingue d’abord entre « autorité/direction »  et « leadership ». L’autorité/direction a pour fonction de donner  l’orientation et la direction, d’établir les normes, d’arbitrer et, au besoin,  de protéger. Quant au leadership, il a pour fonction de mobiliser les personnes  autour des enjeux cruciaux et difficiles.   Deuxièmement, certains problèmes peuvent se résoudre par des solutions  connues alors que d’autres requièrent un changement de paradigmes, des comportements  nouveaux, des apprentissages collectifs; ce sont ces derniers qui exigent le  leadership. 

Albert Einstein  suggérait  “You cannot solve a problem from the same  consciousness level that created it. You must learn to see  the world anew”. Troisièmement,  si l’on conçoit le leadership comme une démarche, et non comme un lieu de  pouvoir et de positionnement personnels, l’attention se porte davantage vers  les progrès faits en regard de la résolution des problèmes exigeants (swamp  issues). Le leadership se met au service des autres. Enfin, le leadership met  l’accent sur la capacité de présence de la personne et son aptitude à  intervenir dans des systèmes complexes plutôt que sur la valorisation des  traits de personnalité ou du charisme qui a parfois mené  à des désastres.

En ce sens,  Heifetz s’inscrit dans un courant de pensée qui suggère que le leadership  émerge de la manière d’être de la personne. Dans la même veine, Kevin Cashman2  définit le leadership comme étant « (an) authentic influence that creates value ».  L’authenticité réfère ici à une profonde connaissance de soi. L’influence est  reliée à ce qui est significatif pour chacun. La création de valeur inclut ce  qui est bon pour le plus grand nombre à long terme.

Chaque  personne, à tous les niveaux d’une organisation, a donc son cocktail personnel  de leadership formé de son histoire, de son évolution et de sa manière d’être.  L’essence du leadership se rattache plus à la  manière d’être qu’à des manifestations externes à soi telles que le statut ou les  résultats d’affaires du dernier trimestre.

Le coaching peut-il aider à développer le  leadership?

Ce qui se  développe, c’est en fin de compte la personne et non pas quelque chose d’externe  à elle. En amenant la personne à voir sa propre nature, à se remettre en cause,  elle peut modifier et élargir sa perception de la réalité et, ce faisant, ses  interventions prennent une autre dimension.   Il ne s’agit donc pas tant de faire rentrer la personne dans une  « petite boîte de format standard », mais de lui permettre de faire  émerger son leadership personnel. Le développement de la connaissance de soi  devient alors le moteur de l’accroissement du leadership et permet à la  personne « to show up in the world »3.  Ainsi, les probabilités d’apprentissage à long terme apparaissent plus solides et  risquent moins de s’effriter que si les compétences sont plaquées  artificiellement sur la personne.

Voilà des  pistes prometteuses pour l’évolution de la société et la résolution des  problèmes multidimensionnels et complexes auxquels fait face l’humanité. 

 

    1. Parks, S.D. (2005) Leadership Can Be  Taught : A Bold Approach for a Complex World, HBS Press
    2. Cashman, K (2008) Leadership from  the Inside Out, San Francisco : Berrett-Koehler Publishers Inc.
    3. Ibid.
Jean Raymond Bonin, PCC PCC