15 octobre 2016

La 4ème révolution et le leadership adaptépar Gisèle Aubin, PCC

Lors du dernier Forum Économique Mondial tenu à Davos, en Suisse, en janvier dernier,  un des thèmes principaux de cette conférence fut la 4ème Révolution industrielle.  La question soulevée était la suivante: Est-ce que les nouvelles technologies qui nous entourent et qui ont le pouvoir d’améliorer nos vies ont également le pouvoir de changer notre perception du monde et nos comportements?[1]

Évidemment lorsque l’on parle de changer le monde et les comportements, on interpelle le coach en moi.

Dans un premier temps, qu’en est-il de cette nouvelle révolution?

D’abord un bref survol sur les précédentes; la première étant associée à l’avènement de la machine à vapeur permit de passer de la bête à la machine pour générer de l’énergie. La deuxième, associée à l’électricité, rendit possible la production de masse.  Nous y faisons le plus souvent référence en termes de LA révolution industrielle du début du XXème siècle.  La troisième, plus près de nous, est l’ère des ordinateurs et l’automation de la production. Celle-ci, étant donné son ampleur et sa vitesse d’évolution a imposé l’introduction d’une discipline maintenant intégrée dans nos organisations et intitulée « la gestion du changement ».

À ce sujet, force est de constater que nos efforts d’adaptation au changement sont dans le meilleur des cas, mitigés.  En effet, les recherches démontrent que le taux de réussite des efforts de changement en entreprises est de 30% à 40% au mieux.[2]

Qu’à cela ne tienne, nous voici aux portes de la quatrième révolution; nommée digitale et animée de l’Intelligence artificielle.  En fait, elle se veut un amalgame des technologies déjà existantes et en devenir, intégrant sans discrimination les sphères du monde physique, digital et biologique (l’humain).  Il suffit de penser à la robotique, aux imprimantes en 3 dimensions, la nanotechnologie, etc. pour être convaincus de son potentiel.

Toujours selon le Forum Économique Mondial, la raison pour laquelle cette révolution est différente des trois précédentes est qu’elle évolue de manière exponentielle et non plus linéaire.  Sa vitesse et sa portée sont fulgurantes. En plus des impératifs d’innovation, de créativité et de rapidité de changement auxquels nous faisions déjà face, de nouvelles donnes viennent augmenter la complexité de cette ère : Tout se passe à l’échelle mondiale et en temps réel et requiert la coopération et l’habileté à travailler collectivement si nous voulons entamer ce nouveau virage au profit de la communauté mondiale sans pour autant nuire à l’être humain.

Toujours selon le Forum de Davos, les nouveaux modèles d’affaires doivent redéfinir le talent, la culture et la structure de leurs organisations.  

Rien de moins.

Ceci étant dit, quelle est la signification de tout cela pour nos organisations? Plusieurs écrits nous offrent des pistes intéressantes à ce sujet :

D’abord reconnaître que l’équipe est la nouvelle unité de base.[3]’ Que les vestiges du taylorisme (command and control) ne peuvent plus fournir un milieu propice à la solution de problèmes de grande complexité, volatilité et de nature imprévisibles, qu’un individu seul ne peut égaler la force de contribution qu’une équipe élargie (multi disciplinaire, de cultures et géographies différentes) peut offrir.

Également, reconnaître qu’une équipe est d’abord et avant tout constituée d’individus dont l’identité doit être reconnue afin que ceux-ci puissent contribuer au meilleur de leur potentiel.

De plus, savoir que le rôle du leader est de plus en plus de créer l’environnement propice à la performance, et que pour ce faire, il doit donc assurer trois grands principes[4].

  • L’autonomie des membres de l’équipe
  • Leur adhésion à la mission
  • La reconnaissance de leur contribution

L’autonomie. Dans un contexte de manque d’autonomie (micro management), la neuroscience nous informe qu’un cerveau réagit de manière semblable à lorsqu’il est soumis à une agression physique. Il adopte le mode défensif qui restreint l’accès à ses circuits normaux qui par ailleurs lui permettraient d’exercer une pensée stratégique, une capacité d’innover et de penser en mode de résolution de problèmes, pour en nommer que quelques-uns. Créer un environnement propre à la contribution de chacun est vital.

La mission. Pour qu’une mission soit réalisée, chacun des individus doit pouvoir l’internaliser et la faire sienne en comprenant clairement l’impact de sa contribution et comment celle-ci s’inscrit dans son succès et celui des autres.  Requise donc est une forme d’interdépendance entre les coéquipiers, rendant possible la véritable collaboration.  Pour que ce milieu existe, un sentiment de sécurité psychologique doit être présent.  Il en revient au leader de mousser ce climat.

La reconnaissance. Lorsqu’un individu est reconnu et apprécié publiquement, les régions de son cerveau qui s’animent sont les mêmes que celles qui sont mises en action lorsqu’il gagne à la loterie.  En plus de la sécrétion de dopamine et autres hormones agréables (feel good hormones), il est encouragé à répéter ce comportement pour en expérimenter à nouveau les bénéfices.  Ce pouvoir appartient d’abord au leader.

Aussi, savoir qu’un comportement peut être modifié dans la mesure où l’on fait appel, en plus de sa raison, aux émotions de l’individu[5]. Ainsi celui-ci se sent engagé et motivé, contrairement au sentiment de se sentir mandaté (obligé) comme c’est souvent le cas dans un contexte de gestion par objectifs (MBO).  Un tel contexte trop souvent ne fait pas appel à l’engagement et la collaboration des membres de l’équipe mais plutôt résulte en une exigeante coordination d’efforts individuels de la part du leader. 

Finalement, plus un gestionnaire est en mesure de mettre ces pratiques en place, plus ceux qui en sont témoins sont motivés à en faire autant, créant ainsi un effet de spirale positive à l’intérieur de l’organisation.

Quel est le rôle du leader dans ce nouvel environnement?

Créer le milieu propice à la performance en reconnaissant qu’en cette ère ou la technologie peut tout faire, ou presque, la vraie valeur ajoutée  de l’homme est précisément, son humanité et toute la reconnaissance et les nuances que cela implique.

[1] Davis, N. Head of Society and Innovation, World Economic Forum. www.weforum.org/Tuesday January 19, 2016.

[2] Ashkenas, R. (2013). Change Management needs to change. Harvard Business Review, April 2013.

[3] McChrystal, S. (2015). Team of Teams; New Rule of engagement for a Complex World. Portfolio/Penguin. New York.

[4] Newton, J., Davis, J. Three secrets of organizational effectiveness. Strategy + Business, numéro 76, automne 2014.

[5] Deutschman, A. Change or Die. (2005) Fast Company – May 2005.

Gisèle Aubin, PCC ACC, CRHA