15 avril 2014

Chronique recherche en coachingpar Yvon Chouinard, ACC

LA PROFESSIONNALISATION DU COACHING PASSE PAR LA RECHERCHE

Est-ce que le coaching est une profession?

Le sujet de la professionnalisation du coaching se pose de plus en plus au fur et à mesure que le nombre de coachs, formés ou autoproclamés, augmente dans le monde, et que le terme « coach » est associé à des pratiques de natures très variées.


Certains experts se demandent d’ailleurs si le coaching ne pourrait pas simplement être considéré comme une pratique de ressources humaines. C’est d’ailleurs un peu de cet angle qu’on voyait le coaching il y a environ 20 ans.

Toutefois, au cours des 20 dernières années, le coaching a aussi pris une place grandissante dans beaucoup d’organisations et plusieurs voient le coaching comme une approche tout à fait adaptée et efficace aux besoins de développement individuel des gestionnaires d’aujourd’hui.

D’autres hésitent encore à adopter une culture de coaching, car ils ont l’impression que le coaching est comme d’autres saveurs du mois observées dans le passé, et qu’on doit l’aborder avec prudence et même méfiance.

On peut comprendre ceux et celles qui ne sont pas encore convaincus des bienfaits ou du sérieux du coaching, car la planète coaching est habitée par bien du monde qui se présentent sous l’étiquette « coach » avec des offres de services très variées et des promesses de changement irréalistes.

Mais la création en nombre croissant d’associations de coaching en Amérique, en Angleterre, en Australie et en Europe, dont quelques-unes ont dès le départ réclamé un statut de profession pour le coaching et manifesté leur intention de l’obtenir, a progressivement mis la table pour que le coaching soit abordé non pas comme une pratique comme une autre de développement des individus et des équipes, mais comme une pratique professionnelle particulière, unique, avec sa base de connaissances et ses approches spécifiques.

Les critères d’existence d’une profession

En 1988, l’éthicien Michael Bayles1 a établi trois principaux critères pour qu’une occupation puisse prétendre au statut de professionnel. Premièrement, elle requiert une longue formation. Deuxièmement, la formation suppose une composante intellectuelle importante. Et troisièmement, le résultat de la formation débouche sur la capacité de fournir un service important à la société.

Selon ces trois critères,  le coaching ne serait pas une profession. Mais sans doute une semi profession, comme l’enseignement et le travail social.

Bayles ajoutait toutefois des critères secondaires, comme une certification, une organisation professionnelle et l’autonomie de ses membres, c’est-à-dire la capacité de travailler sans interférence, à l’exception du propre encadrement de la profession.

Mais plus près du coaching, J.L. Bennet2, dans un article publié en 2006 a formulé onze critères pour que le coaching soit considéré comme une profession :

  1. Des habiletés distinctes et identifiables – des habiletés spécifiques qui sont largement acceptées comme nécessaires pour effectuer du coaching qualifié.
  2. L’éducation et la formation requises pour acquérir la compétence nécessaire – une formation initiale et continue pour acquérir des compétences généralement reconnues comme obligatoires pour exercer la profession de coach.
  3. Reconnaissance du coaching comme profession en dehors de sa propre communauté – par exemple, reconnaissance du coaching par d’autres professions comme étant une profession; classification du coaching comme profession par des agences gouvernementales.
  4. Un code de déontologie – un code de déontologie pour les coachs est en vigueur et est effectivement  supervisé par un organisme indépendant, faisant ainsi du coaching une spécialité auto-réglementée.
  5. Un service bénéficiant au public – individuellement et collectivement, les membres rendent des services importants au public et à la société.
  6. Une organisation formelle – une ou des associations professionnelles bien établies représentant la profession et ceux qui pratiquent le coaching, visant le monopole sur l’activité professionnelle.
  7. Contrôle de l’admission selon le mérite et mode d’autoréglementation – par exemple, une définition des compétences de base pour devenir coach, un système d’évaluation des compétences, une certification, des systèmes pour surveiller et régulariser les services professionnels fournis par les coachs; des mécanismes encourant la réflexion et la discussion à propos de la pratique du coaching.
  8. Une communauté établie de praticiens – par exemple, des forums de réseautage et d’échange d’idées sur le coaching; des publications soutenant la communauté des praticiens du coaching.
  9. Un statut de membre appartenant à une profession – par exemple, une reconnaissance par le public en général et leurs clients que les coachs sont membres d’une profession.
  10. Reconnaissance publique – reconnaissance par le public en général que le coaching est une profession distincte et établie.
  11. Un bloc de connaissances spécialisées et de compétences pratiques – la pratique du coaching est fondée sur une base de connaissances, de      théories et de recherches spécifiques. La profession génère de nouvelles connaissances dans le domaine du coaching, la recherche venant enrichir l’ensemble des connaissances.


Combler les écarts

Toutefois, Bennet a aussi fait ressortir quelques écarts qui existent entre les critères précédents et la pratique actuelle du coaching :

  • Il n’y a présentement aucunes habiletés généralement acceptées, identifiables et distinctes pour les coachs.
  • La formation et/ou l’éducation n’est pas requise avant qu’une personne puisse pratiquer comme coach, même si bon nombre de programme de formation en coaching sont disponibles.
  • Le public en général et les autres professions ne reconnaissent pas le coaching comme une profession.
  • Il n’y a pas une communauté établie de praticiens. Par exemple, moins de la moitié des coachs dans le monde font partie d’une association professionnelle comme l’ICF.
  • Il y a un manque de théorie bien définie sur laquelle les coachs pourraient baser leur pratique.


Un groupe de travail3 dirigé par Sunny Stout Rostron, et facilité par Carol Kauffman de Harvard Medical School, qui s’est penché sur la question de la professionnalisation du coaching estime que la recherche peut jouer un rôle important pour combler ces écarts et soutenir la professionnalisation du coaching.

Des résultats variables

Selon le livre blanc du Global Convention on Coaching Working Group, le coaching est encore une discipline émergente, et le développement d’une théorie spécifique au coaching et une pratique basée sur des faits et des preuves est un défi majeur que l’industrie du coaching doit relever. En effet, non seulement la recherche peut-elle fournir les moyens pour asseoir  le coaching comme une profession efficace et valorisée,  mais elle peut également apporter un fondement de connaissances vérifiées et des orientations professionnelles aux praticiens.

Le groupe de travail a cependant observé qu’un nombre grandissant d’écoles de coaching tentaient d’appuyer leur enseignement sur des théories et des approches éprouvées.

Néanmoins, la recherche en coaching fait face à quelques défis importants, dont le coût de la recherche, surtout en ce qui concerne le temps investi par les chercheurs et les participants, la disponibilité des ressources nécessaires pour mener à bien la recherche et les doutes par rapport à son utilité réelle. En effet, la recherche actuelle est beaucoup dictée par ce que les individus trouvent intéressant et ce qui peut aider leur organisation à croître. Elle n’est pas nécessairement motivée par le désir de donner à l’industrie des données qui auraient une portée générale ou donnerait une base empirique solide à la profession elle-même. Donc, un grande nombre d’études qui ont été publiées jusqu’à maintenant présentaient des données qui n’étaient ni valides et fiables, la plupart étant surtout des études d’autopromotion. Mais d’autres efforts de recherche plus objective peuvent être observés dans le monde.

Des efforts concrets de financement de la recherche

Ainsi, The Institute of Coaching, affiliée au Harvard Medical School de Boston, a mis sur pied un programme de soutien financier pour la recherche en coaching qui donne accès à des bourses totalisant 100 000$US par année. De tels efforts, devraient au cours des années, générer une base théorique et empirique qui favorisera la professionnalisation du coaching.

Cependant, pour que cet impact se matérialise, il est nécessaire que les coachs professionnels comprennent la pertinence des résultats de la recherche et les intègrent dans leur pratique, au lieu de promouvoir et d’appliquer des modèles de coaching créés de toutes pièces et sans fondement scientifique.

D’autre part, l’ICF a récemment décidé d’investir des ressources importantes afin de rendre accessibles aux coachs du monde entier, les données les plus récentes issues de la recherche en coaching.  Cette initiative visant à créer un corps commun de connaissances et de pratiques reconnues que les coachs pourront intégrer dans leur pratique de coaching, est certainement une autre avancée importante pour satisfaire aux exigences reliées à la reconnaissance professionnelle.

Conclusion

Le groupe de travail pour développer un agenda de recherche en vue de développer le secteur du coaching a mis la table pour que le coaching consolide ses bases professionnelles en tentant de répondre à un certain nombre de questions fondamentales de recherche , à savoir pour qui et avec qui la recherche devrait être faite (Qui?), quelles sont les approches de coaching qui fonctionnent le mieux (Quoi?), dans quel environnement la recherche doit-elle être menée (Où?) et sur quelle durée ((Quand?), et finalement, la question qui sous-tend toutes les autres, quels sont les éléments des approches de coaching qui sont les plus efficaces, à quel moment, de quelle manière et avec qui (Quoi?).

Le jour où les coachs pourront répondre à ces questions en les ayant incorporées dans leur pratique, nous pourrons alors dire que le coaching est une profession solidement établie.

  

  1. Bayles, M. D. (1988), Professional Ethics, Belmont: Wadsworth Publishing Company, 7-10.
  2. Bennett, J.L. (2006) An agenda for coaching-related research: A challenge for researchers, Coaching Psychology Journal: Practice and Research, 58:(4): 240-249
  3. White Paper of the Working Group on A Research Agenda for Development of the Field. Global Convention on Coaching. June 2008.
Yvon Chouinard, ACC ACC, CRHA