19 septembre 2019

Être éthique, c’est parfois dire non !par Comité d’Éthique et Déontologie

Ce mois-ci, nous choisissons de vous partager une situation concrète « d’auto-réflexion » éthique. L’intention derrière n’étant pas de donner un avis d’expert en éthique mais tout simplement d’utiliser cet article comme lieu de partage d’une histoire réelle, qui pourrait est la nôtre à un moment ou à un autre.

C’est l’histoire d’une coach qui reçoit un appel d’un représentant de la Direction des ressources humaines d’une organisation avec laquelle elle souhaite travailler depuis un bon moment. Quelle belle opportunité qui se présente!

Voici un résumé de la demande formulée :

  • 1 gestionnaire à coacher à distance
  • Problèmes constatés par la Direction et la DRH :
    • Manque de rigueur dans ses suivis (auprès de la Direction, de son équipe de gestionnaires et des autres directions);
    • Manque de transparence par rapport aux décisions qu’il prend et aux initiatives qu’il entreprend;
    • Difficulté à encadrer son équipe de gestion, à dire non et à maintenir le cap sur les orientations globales de l’organisation.
  • Le mandat s’inscrit dans le cadre d’une démarche tripartite.
  • La VP Administration (de qui relève la DRH) demande que la coach dépose un rapport diagnostic écrit à mi-parcours et à la fin de la démarche.

Huuummm! Inutile de dire que des lumières de vigilance s’allument tout au long de l’entretien. En explorant la demande avec le représentant RH, il en vient à « nommer » 2 autres éléments importants :

  • La Direction se questionne par rapport à la confiance qu’elle a en ce gestionnaire mais n’a rien de « tangible » à lui reprocher, à part les problèmes évoqués précédemment.
  • Le supérieur de ce gestionnaire l’apprécie beaucoup : c’est lui qui l’a « choisi », il trouve que c’est un « chic bonhomme ». Le représentant RH n’est pas certain que le supérieur ose lui adresser clairement les problèmes constatés, ni les attentes de la Direction.

La coach sent le besoin de recadrer ce qu’est le coaching et ce qu’il n’est pas et émet déjà quelques réserves dont la principale : impossible pour elle, comme coach, de rédiger un rapport diagnostic, ni de formuler des recommandations. Elle peut rendre compte du processus de coaching et de l’atteinte des résultats en lien avec les objectifs poursuivis en coaching (en présence du coaché lors des rencontres tripartites ou avec son autorisation).

Il est convenu de se reparler le lendemain (la demande est urgente mais un recul s’impose). D’ici là, le représentant RH rediscutera avec la DRH pour s’assurer de bien recadrer le coaching et valider avec elle les « besoins derrière le besoin » d’un rapport diagnostic.

Pendant l’appel et après l’appel, voici les principaux malaises et questionnements éthiques de la coach :

  • « Ça ne sent pas bon, si je m’étais écoutée, j’aurais dû dire non tout de suite »!
  • « Mais, qu’est-ce qui me dérange et qui vient tant me chercher? »
    • « J’ai le sentiment d’être « utilisée » par la Direction.
    • « La Direction doute de la transparence du gestionnaire mais je doute moi-même de la transparence de la Direction (par rapport au coaché et par rapport à moi). »
    • « Comment établir une relation de confiance avec la Direction mais aussi avec le coaché (serais-je capable d’avoir confiance en lui et lui en moi)? »
    • « Deux de mes valeurs importantes sont heurtées : authenticité, confiance. »
    • Démarche tripartite, alors que l’on doute que le supérieur soit en mesure « d’adresser les vraies affaires » à son gestionnaire. « Est-ce que je ne devrais pas plutôt offrir de coacher le supérieur pour qu’il développe cette compétence? »
    • « Le coaching à distance dans un tel contexte de mandat ne m’apparaît pas évident. »
    • « En même temps, c’est une belle opportunité pour moi « d’entrer dans cette organisation comme coach » : est-ce réellement une belle opportunité? Justement, pour un premier mandat, il n’y a pas beaucoup de conditions de succès de réunies? Est-ce que c’est sur la base de ce premier mandat qui s’annonce « complexe » que j’ai envie de me faire connaître? Est-ce que j’aurai du plaisir à réaliser ce mandat? Est-ce que j’ai vraiment envie de travailler avec cette organisation dans un tel contexte? »

Bref, même si la coach essayait d’imaginer comment elle pouvait circonscrire autrement ce mandat avec l’organisation, elle ne le « sentait pas », elle ne se sentait pas alignée avec ses valeurs et son rôle comme coach! Sa décision était donc prise : elle refusa le mandat.

Ce recul et ses réflexions l’ont aidé à se sentir bien avec sa décision et à bien la communiquer au représentant RH. Peut-être que d’autres coachs auraient accepté le mandat et l’aurait recadré autrement, certes! Mais ce qui a été éthique pour elle dans cette situation, fût d’apprendre à dire non, à respecter ses intuitions et ses valeurs. Bref, à se respecter elle, dans toute son intégrité personnelle et professionnelle.

Qu’est-ce que cette histoire évoque pour vous, en quoi vous rejoint-elle dans votre vécu comme coachs? N’hésitez pas à faire appel à nous si vous avez besoin d’aide dans vos réflexions et décisions éthiques.

Votre comité de déontologie :

Mireille Nadeau, Lyne Leblanc, Nathalie Dubé
Comité d’Éthique et Déontologie ICF Québec