20 mai 2014

Le coaching : une clé du développement du leadership encore mal intégrée dans les organisationspar Yvon Chouinard, ACC

Introduction

Il n’existe pas encore de consensus sur la meilleure manière de définir, structurer et implanter le coaching dans les grandes organisations.

Les 1er et 2 mai 2014, lors d’un Forum sur le leadership, organisé par The Institute of Coaching, au Harvard Club de New-York et auquel j’ai eu le privilège d’être invité,  quatre vice-présidentes de ressources humaines représentant respectivement les compagnies IBM, Wal-Mart, Citigroup et The Tribune, ont indiqué que le coaching n’est pas encore utilisé de manière systématique dans leurs organisations.

L’une des principales raisons mentionnées pour expliquer cette situation est le fait qu’il est encore difficile pour les gestionnaires de donner de simples rétroactions à leurs subordonnés. Donc, ces organisations essaient d’abord de promouvoir une culture où les gestionnaires doivent prendre leurs responsabilités en regard du développement de leurs employés, au lieu de confier ces derniers à des coachs externes. Plusieurs gestionnaires sont trop heureux de transférer cette tâche importante à un coach

D’autre part, ces quatre dirigeantes ont reconnu que le coaching est encore souvent perçu comme une approche corrective de comportements inadéquats. Pas étonnant, lorsque nous apprenons que le système disciplinaire chez Wal-Mart s’appelle « coaching ». Ce qui est confirmé par un ex-employé de Wal-Mart sur son blog nommé « Working at Wal-Mart » : « Le coaching chez Wal-Mart est un exercice très désagréable et dégradant. »1, affirme-t-il. On y retrouve des étapes comme « coaching verbal » et « coaching écrit ».

Il est donc facile de supposer que le coaching est encore mal compris comme outil de développement des individus dans les organisations.

Le problème avec les programmes de développement du leadership

En suivant le moindrement l’évolution des besoins des cadres et des organisations, il nous semble que le coaching organisationnel devrait normalement faire partie des plans de développement de leadership des gestionnaires.

Or, un récent article de McKinsey Quarterly,2 nous informe que la très grande majorité des programmes de développement du leadership sont encore orientés vers la formation traditionnelle avec des résultats très mitigés, car les leaders n’arrivent pas, ou très peu,  à transformer leurs expériences d’apprentissages vécues en formation en des changements de comportement dans l’action quotidienne.

Ce résultat est compréhensible, selon les auteurs de l’article, car la nécessaire identification des pensées, des émotions, des suppositions, et des croyances existant « sous la surface »,  et qui sont des conditions préalables à tout changement de comportement, est généralement esquivée dans les programmes de développement du leadership. En relatant les expériences réussies de développement de certaines organisations, les auteurs rapportent que c’est seulement après avoir utilisé des approches de coaching et de mentorat, que des changements observables de comportement ont pu être générés.

 

Une étude de Human Capital Institute sur le coaching dans les organisations pour nous éclairer

Afin de comprendre comment le coaching est utilisé par les organisations dans l’environnement organisationnel  actuel, Human Capital Institute (HCI) de concert avec la firme Lee Hecht Harrison (LHH), a effectué  une étude3, en août et septembre 2012, auprès des membres de HCI et les clients de LHH. Trois cent quatre-vingt-quatre personnes provenant de 230 organisations à travers le monde, ont répondu à un sondage couvrant 24 sujets.

De plus, des entrevues en profondeur furent réalisées avec des responsables de gestion des talents de quelques organisations importantes, en plus de consulter des sources d’information secondaires comme des articles clés et des études de cas.

On voulait particulièrement savoir qui avait accès au coaching, les motifs pour lesquels le coaching était proposé, l’efficacité des programmes de coaching, les bénéfices que l’entreprise en retirait, et le degré de formalisation du processus.

Les résultats de l’étude de HCI

Les conclusions les plus importantes de l’étude de HCI sont les suivantes :

  • La raison principale  qui amène un leader à faire appel à un coach est généralement de l’aider à développer son leadership. Les autres habiletés et procédés d’affaires pour lesquels on utilise du coaching sont le plus souvent la gestion de la performance, la gestion du changement et le renforcement du bassin de leaders.
  • Les organisations qui sont intéressées à déployer le coaching à l’échelle mondiale doivent définir des lignes directrices claires, consistantes  à la grandeur de l’entreprise afin d’obtenir plus de succès avec leurs initiatives de coaching.
  • Les organisations qui offrent du coaching non seulement à leur équipe de cadres supérieurs, mais également à d’autres niveaux hiérarchiques, rapportent une plus grande efficacité dans le développement d’habiletés et de compétences de gestion et de leadership. Il semble qu’elles soient aussi en meilleure posture pour transférer des savoirs importants et bâtir un pipeline de talent plus solide, ce qui devient une base de réussite pour l’avenir. Présentement, 49% des organisations, selon les participants, offrent du coaching à d’autres niveaux hiérarchiques que la haute direction.
  • Le coaching pourrait être mieux utilisé afin de répondre aux besoins de gestion du changement, de gestion de la performance et de développement de la pensée stratégique.

Aujourd’hui nous vivons dans un monde décrit sous l’acronyme VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity)4.  Donc, même si des sujets comme les communications, les relations interpersonnelles ou la gestion des conflits sont des habiletés précieuses à développer pour tous les gestionnaires en coaching,   dans l’état actuel des marchés  où le climat change continuellement, exacerbé par la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté, le coaching doit aussi permettre aux  leaders de devenir  plus agiles, décisifs, disposés à prendre des risques et à travailler en collaboration.

À la lumière des changements économiques et industriels qui se produisent, la recherche de HCI démontre que les initiatives de coaching doivent continuer à évoluer afin de bien soutenir les leaders. En effet, on leur demande continuellement d’être réfléchi et même temps rapide; d’être décisif, mais également flexible; d’être clair, mais confortable avec l’ambigüité.

Heureusement, l’adaptabilité et la nature personnalisée du coaching sont utiles pour développer ces habiletés qui semblent parfois contradictoires. C’est pourquoi, les auteurs du rapport de recherche disent que les programmes de coaching doivent être soigneusement alignés avec les valeurs organisationnelles et liés à des résultats mesurables.

Le rapport nous apprend aussi qu’un des principaux obstacles à la dissémination du coaching dans les organisations est le manque de ressources financières. Parmi les autres obstacles à l’utilisation du coaching, mentionnons le manque de temps de l’équipe de dirigeants pour participer à un programme de coaching, le manque de support de la haute direction et finalement le manque de connaissances sur la façon d’utiliser le coaching.

Même si le coaching n’est pas la solution magique pour développer toutes les habiletés requises des leaders actuels et ceux de la relève, la recherche de HCI, nous indique qu’une pratique de coaching structurée peut outiller les leaders avec les habiletés critiques dont ils ont besoin pour évoluer individuellement ainsi que pour placer leurs organisations dans une meilleure position pour connaître du succès.

Implications de cette recherche pour les coachs

Il est intéressant pour les coachs de connaître certaines statistiques issues de cette recherche sur l’utilisation du coaching dans les organisations.

Ainsi, 59% des répondants rapportent offrir des services de coaching interne et externe à leurs cadres supérieurs.  Dans la même veine, 35% des organisations permettent à leurs haut-potentiels d’avoir accès à du coaching.

Les répondants ont aussi rapporté que 57% des gestionnaires de premier niveau et 50% des gestionnaires de niveau intermédiaire, pouvaient bénéficier de coaching interne, ce qui laisse moins de place pour le coaching externe.

Les données issues de la recherche de HCI indiquent de plus qu’un des principaux défis auquel le coaching fait face, est la fragmentation de la responsabilité des programmes de coaching dans les organisations. Ces données révèlent, par exemple, que pour 34% des répondants, la responsabilité du coaching incombe  aux ressources humaines et aux services de formation et de développement. Ce qui démontre que dans beaucoup d’organisations, les décisions concernant les programmes de coaching sont prises par d’autres intervenants que les ressources humaines. Il devient alors plus difficile d’aligner les initiatives de coaching avec les objectifs organisationnels, donc de définir des objectifs de coaching qui sont liés à la performance organisationnelle.

Conclusion

Si les organisations sont de plus en plus sensibles aux avantages que le coaching peut leur apporter, il reste encore beaucoup à faire afin qu’elles voient l’importance de mieux définir leur compréhension de ce qu’est le coaching, que ce soit à l’égard du coaching pratiqué à l’interne ou de l’utilisation de coachs externes.

La conclusion générale que nous pouvons tirer de cette recherche est que les organisations qui endossent un modèle de coaching formel sont collectivement mieux positionnées pour établir des lignes directrices de coaching claires et mieux évaluer les résultats de leurs initiatives de développement des cadres. Lorsqu’un programme de coaching est bien réfléchi, implanté soigneusement et évalué fréquemment, un programme de coaching établi à la grandeur d’une entreprise, même à une échelle mondiale, peut avoir un effet très positif sur le développement des talents dans les organisations, assurant ainsi la préparation de la relève et l’avenir de l’organisation.

 

  1. Smith, Josh. My First Coaching. Blog « Working at Wal-Mart ». 8 février 2006. http://workingatwal-mart.blogspot.ca/2006/02/my-first-coaching.html
  2. Gurdjian, P., Halbeisen. T., Lane, K. Why leadership-development programs fail. McKinsey Quarterly, January 2014. http://www.mckinsey.com/insights/leading_in_the_21st_century/why_leadership-development_programs_fail
  3. Fakalata, K. & Wiete, A.K. (2012) “Scaling Executive Coaching Across the Enterprise. The Key to Developing Tomorrow’s Talent.”  Human Capital Institute Research in partnership with Lee Hecht Harrison. White River Junction, VT. http://www.lhh.com/en-US/thought-leadership/Documents/2013-LHH-Scaling-Executive-Coaching-Across-the-Enterprise.pdf
  4. Halamka, J. “Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity”, February 7, 2011.  http://geekdoctor.blogspot.ca/2011/02/volatility-uncertainty-complexity-and.html
Yvon Chouinard, ACC ACC, CRHA