17 février 2014

Paradigme humaniste-existentiel: toile de fond pour le coachpar Yvon Chouinard, ACC

De tous les courants psychologiques qui ont influencé le coaching depuis les 30 dernières années, c’est sans doute le paradigme humaniste-existentiel qui en a le plus marqué la pratique, en raison de sa proximité philosophique avec le coaching. La psychologie positive, qui est issue directement de ce courant moderne, est d’ailleurs devenue une base importante d’inspiration de milliers de coachs, soutenue en cela par la recherche scientifique. Nous verrons dans cet article, comment le paradigme humaniste-existentiel s’est graduellement imposé, mais surtout comment il s’imbrique totalement avec les objectifs du coaching professionnel.

Une vision holistique de l’être humain

Le paradigme humaniste-existentiel est autant une attitude philosophique qu'une approche psychologique, qui soutient que la nature humaine est fondamentalement positive, créatrice et qu'elle tend à se réaliser naturellement. La personnalité se forge en fonction de la manière dont chacun perçoit et interprète le monde. Ainsi, pour comprendre une personne, il est important de voir à travers ses yeux pour savoir comme elle perçoit le monde, et en ce sens, le coaching doit avoir comme but l’épanouissement de l'individu dans une vision holistique de son existence et de son évolution.

Les prémisses du mouvement humaniste-existentiel en psychologie

Les tenants du mouvement humaniste-existentiel en psychologie contemporaine ont formulé, un certain nombre de prémisses qu'on peut résumer de la manière suivante :

1. La personnalité d'un individu est façonnée par ses valeurs et la manière dont il perçoit le monde;

2. La façon dont un individu interprète les événements dans sa vie influence le développement de sa personnalité;

3. L'individu est responsable de ses actions et de ses comportements et ses décisions reflètent donc des choix personnels;

4. L'individu devrait vivre pleinement sa vie dans le présent au lieu de ruminer le passé ou de vivre en fonction des illusions ou des promesses de l'avenir.

Voilà donc un beau programme pour tout coach qui entreprend une relation de coaching avec un client. Mais il est sans doute approprié de comprendre d’où vient ce mouvement.

Les sources du paradigme humaniste-existentiel

Le mouvement humaniste et existentiel prend sa source au début des années 60, principalement aux États-Unis, en réaction au déterminisme et au pessimisme de l'approche psychanalyste freudienne ainsi qu'aux concepts mécanistes du mouvement behavioriste. Ce nouveau courant de pensée en psychologie est alors considéré comme une troisième voie qui s'intéresse essentiellement à l'épanouissement et au développement de l'Homme ainsi qu'à la réalisation de son potentiel, plutôt qu'à la recherche de son passé et de son conditionnement par des facteurs internes et externes (stimuli) qui pourraient expliquer son comportement. Les psychologues humanistes s'intéressent aussi davantage à la personne saine qu'à celle qui présente des pathologies comportementales ou neurologiques, des considérations qui cadrent tout à fait avec la perspective optimiste  du coaching.

Les principaux représentants de la théorie

Les principaux ténors du mouvement humaniste-existentiel furent Carl R. Rogers, Herbert Abraham Maslow et Rollo May. Toutefois, plusieurs autres théoriciens de la psychologie peuvent être assimilés aux idées véhiculées par ces derniers. Gordon W. Allport qui s'est intéressé a la notion de la personnalité en mouvement et Alfred Adler avec sa volonté de donner à l'homme la pleine responsabilité de ses actions, peuvent aussi être associés, à certains égards, à la théorie générale de la psychologie humaniste-existentielle.

Trois des concepts clés du paradigme

Trois concepts clés de la psychologie humaniste-existentielle représentent bien la démarche des théoriciens du mouvement. Ce sont l'actualisation, le soi - qu'on appelle aussi le self - et les besoins de la personne. Ces trois concepts, dans la foulée d’Adler, s'inscrivent dans une compréhension de la personnalité comme une unité indivisible.

L 'actualisation

L'actualisation de la personne est définie comme un concept positif selon lequel l'être humain chemine dans un processus de changement continuel, poussé par une force qui l’amène à se développer afin de réaliser son plein potentiel de vie.

Rogers est le psychologue dont les idées sont les plus populaires par rapport à ce concept qui s'appuie sur le principe de l'unicité de la personnalité. Rogers rejette toute idée de division de la psyché humaine. Pour se développer, la personne doit faire appel à son organisme entier.

Maslow adopte également la notion d'actualisation de soi qui est, selon lui, une tendance innée de l'être humain à s'épanouir et à réaliser pleinement son potentiel. Essentiellement, l'actualisation est un processus qui réunit trois conditions principales :

 

  1. Ouverture sur l'expérience

Accueillir sans le   déformer tout ce qui surgit dans son champ perceptuel et   développer une attitude de « considération inconditionnelle positive» de son vécu.

  1. Prise en charge

Reconnaissance par   l'individu qu'il est responsable de lui-même et qu'il décide de ses propres   comportements. La personne peut choisir d'évoluer vers un plus grand   équilibre.

  1. Action

Pour que la   démarche de croissance se   réalise, l'individu utilise ses   compétences afin d'agir adéquatement et d'actualiser ses choix.

 

Le soi (self)

Le concept de soi peut se définir comme un ensemble de convictions ou de perceptions qu'une personne entretient au sujet d'elle-même, de ses qualités, de son comportement ou de sa nature.

Selon Rogers, une personne sera en état de congruence par rapport à elle-même et ses perceptions lorsqu'il y a un équilibre ou une correspondance entre l'expérience vécue et le concept de soi.

Cet état d'équilibre est atteint par une prise de conscience des faits entourant la situation vécue par la personne, ce qui, selon Rollo May, augmente la liberté psychologique de celle-ci et la capacité d'exprimer sa personnalité dans un mouvement d'évolution positive. May pense que la personne atteint son sens du soi de manière consciente et inconsciente  en découvrant et en affirmant son potentiel et ses valeurs. Cette réalisation de soi n'est cependant possible qu'en vivant intensément chaque moment de notre vie et en prenant l’entière responsabilité de nos choix de vie.

Les besoins

Sans doute le plus connu et le plus utilisé, le concept des besoins est défini comme la source de motivation des individus pour assurer leur survie et se développer jusqu'a l'actualisation complète de leur potentiel.

C'est principalement à Abraham Maslow que nous devons la théorie la plus populaire des besoins de la personne. Selon Maslow, les besoins se manifestent sous la forme d'une pyramide où les besoins supérieurs ne peuvent être satisfaits sans que les besoins inférieurs n'aient d'abord été comblés. Tous ces besoins sont cependant inter-reliés. Ainsi un individu peut vivre une expérience de réalisation de soi excitante, mais il devra en même temps assurer ses besoins physiologiques comme manger et dormir.

La réalisation de soi par la satisfaction de ses besoins ne veut pas dire que le processus est sans souffrance, comme nous pouvons souvent le constater en coaching. Par exemple, l'atteinte du niveau de la réalisation de soi peut signifier l'abandon d'une sécurité existante ou même la difficulté de combler ses besoins physiologiques, comment cela se voit dans les domaines artistiques, sportifs ou spirituels.

Les relations entre les concepts de l'actualisation, du soi et des besoins

Dans le paradigme humaniste-existentiel, les concepts de l'actualisation, du soi et des besoins sont étroitement associés dans le développement de la personnalité individuelle, car ils peuvent tous les trois être considérés dans une vision holistique de la personne. Dans cette optique, l'homme a tendance à se réaliser et même à se dépasser, rejetant ainsi les modèles mécanistes et les analyses pathologiques, au profit des éléments dynamiques et sains de la personne. A cet égard, chaque être devient unique:

• L'individu s'actualise en fonction des ressources internes et des valeurs qui lui sont propres;

• Chaque personne est le fruit des éléments complexes et dynamiques qui composent son soi;

• Tout individu satisfait ses besoins en fonction de son évolution et de sa situation propre.

Ces trois concepts nous ramènent donc à l’unicité, à l’individualité de la personne et à la démarche générale de l’homme pour se réaliser comme être par la raison, la liberté, l'autonomie et la créativité.

Conclusion

Si les concepts élaborés par les représentants de ce paradigme n'ont pas toujours su démontrer scientifiquement leurs théories, cette approche qui remet à l'être humain la responsabilité de se développer et de se réaliser fait appel aux valeurs les plus riches de l'homme, comme la sincérité, le réalisme, l'empathie et la liberté.

S’ils n’écartent pas l'importance des facteurs limitants de nature héréditaire ou contextuel dans le développement de la personne, ils estiment que l'individu doit tout simplement composer avec ces éléments et même tenter de les rendre plus conformes à ses attentes.

C’est donc l'individu entier qui participe à son développement en comprenant le mieux possible le présent afin d'atteindre un équilibre et une harmonie qui lui permettront de continuer sa route vers sa réalisation comme être humain unique et libre.

Voilà ce qui me semble être une toile de fond parfaite pour aborder toute relation de coaching, le coach laissant toute la place à la personne pour qu’elle devienne elle-même, avec habileté!
Yvon Chouinard, ACC ACC, CRHA