15 janvier 2014

Une question... élémentairepar Michel Lozeau

"Lui en avez-vous parlé ?"

C'est certainement la question que je pose le plus fréquemment à mes clients en session de coaching, surtout dans les premières rencontres où je passe beaucoup  de temps en posture d'éponge, à écouter un client volubile et remonté.

La question fait généralement  suite à une longue litanie de récriminations de la part de mon client à l'égard d'une personne qui peut être son patron, un employé, ou encore un collègue. Je laisse normalement mon interlocuteur y aller à fond pour vider son sac en n'interrompant pas trop tôt son torrent de paroles. Je peux même y aller de petites questions de clarification pour faire préciser son propos, mais en me gardant bien de montrer une quelconque approbation dans mes paroles, ou mon regard ou même le ton de ma voix.

Puis, quand le client a enfin vidé son cœur à son goût, et qu'il prend une respiration, je profite de l'opportunité pour enfin placer la question qui tue, qui ,sous une forme ou une autre ,sera essentiellement :

"Lui en avez-vous parlé ?"

Ce qui est remarquable, c'est que plus les reproches sont graves, et plus les sentiments et opinions sont forts, plus la réponse aura de chance d'être négative. Le manque de communication est très souvent à la base de malentendus et de conflits larvés. À la fameuse question, les réponses les plus fréquentes sont.

"Non, vous pensez bien que ce n'est pas possible…"

"Non, c'est bien trop délicat."

"Vous pensez que je devrais ?"

Il est impossible d'avoir une seule stratégie de communication pour tous les cas. Par  exemple, ce qu'il convient de dire à son patron et à son employé sont évidemment des choses très différentes, de même que pour les collègues. Mais il est certain que l'encouragement à la communication est normalement de mise dans presque toutes les situations.

Quand on me lance que c'est trop délicat, je demande pour qui est-ce délicat, pour mon client ou sa cible ? Quelles seraient les conséquences d'en parler ? Quels sont les inconvénients à continuer de se taire – et à se plaindre à des tierces parties comme son coach ?

Une fois le client convaincu que le risque d'aborder le sujet vaut la peine d'être pris, mon rôle consiste à outiller le client à avoir cette conversation. Il peut s'agir de trouver les bons mots, les bonnes expressions, et le bon ton, de même que le bon endroit et le bon moment. Ensuite il peut s'agir de voir comment on peut inclure ses émotions dans le discours sans se laisser aller à être émotionnel (nuance importante). Dans certains cas, ce peut même donner lieu à un jeu de rôle pour amener le client à répéter sa conversation future dans le cadre sécuritaire du cabinet de coaching.

À la prochaine rencontre de coaching, il est certain que je reviendrai sur le sujet – "Alors, lui en avez-vous parlé ?". Parfois, la réponse sera encore négative…"Je n'ai pas eu le temps" ou "Les circonstances ne s'y sont pas prêtées" …

Et quand finalement, l'équation de la douleur sera devenue telle qu'il est moins souffrant de parler que de continuer à subir, le client sera finalement passé à l'action, et je pourrai lui demander de me raconter son échange. À ce moment-là, neuf fois sur dix, la conversation qui me sera relatée par mon client est loin d'avoir la même teneur que ce que nous avions répété…"Après réflexion, je me suis rendu compte que ce n'était pas si grave… j'avais exagéré un peu les faits…", me dira—t-on pour justifier la différence de ton.

Ce qui compte, c'est que le courant ait été rétabli avec l'autre personne, et que les malentendus aient été dissipés. Et le bonus dans tout ça, c'est que très souvent, la relation entre ces deux personnes s'en trouve renforcée, même au-delà de ce qu'elle aurait été sans malentendu à l'origine.

Michel Lozeau CMC, ICD.D, Coachs de dirigeants