16 octobre 2013

Chronique recherche en coachingpar Yvon Chouinard, ACC

Les facteurs de domination et d’affiliation dans la relation coach-client

Le thème de la qualité de la relation entre le coach et son client a déjà été exploré à quelques reprises par des chercheurs dont Baron et Morin de l’UQAM1. Toutefois, il s’agit d’un thème très vaste qui peut être abordé selon de multiples angles afin de nous éclairer sur les éléments fondamentaux qui servent à développer une relation de qualité en coaching afin que le client réalise ses objectifs, soit le but essentiel d’une démarche de coaching.

Introduction
Cette fois, quatre chercheurs allemands se sont attardés à deux dimensions clés de la relation de coaching reliées aux comportements interpersonnels du coach et de son client, soit les effets d’affiliation et de domination dans la conclusion d’une relation de coaching positive et l’atteinte des objectifs poursuivis2.

Pour y arriver, ils ont analysé la première session de coaching de 33 dyades (coach-client), en considérant les signaux verbaux et non-verbaux ordinairement associés aux comportements de domination et d’affiliation des deux acteurs en utilisant le Discussion Coding System, un instrument servant à analyser de grands échantillons d’interactions dans des groupes. Vingt-cinq des 33 clients observés étaient des femmes, et huit des hommes. En face,  97% des coachs étaient des femmes. Le processus de coaching consistait en cinq sessions d’une à deux heures sur une période de 3 à 4 mois.

Définitions
Pour les fins de cette recherche, la dimension d’affiliation comprend deux pôles extrêmes, soit l’hostilité et la gentillesse. L’affiliation est basée sur l’amabilité et sert à développer un lien affectif, particulièrement dans les interactions volontaires. Quant à la dimension de domination, elle comporte les pôles domination et soumission, la domination étant ici associée à des comportements démontrant la confiance en soi et l’assurance.

Le sujet de la domination vs la soumission a été analysé en profondeur, il y a déjà presque 50 ans par Abraham Zaleznik,  réputé professeur de Harvard, décédé en 2011, et qui fut reçu comme psychanalyste – chose très rare -  sans être médecin. Dans son article intitulé « La dynamique de la subordination. »3 l’auteur décrit notre relation avec l’autorité qui se manifeste entre ces deux pôles. Ce sont des phénomènes particulièrement observables dans les lieux de travail dans les relations patrons-employés, mais aussi dans d’autres gestes courants de la vie quotidienne, particulièrement lorsque nous avons affaire à des professionnels ou des experts, ou prétendus professionnels ou experts.

 Zaleznik ajoute deux autres éléments qui conditionnent fortement notre vie, et ce sont nos comportements qui se manifestent entre la passivité et l’activité. Ces modes d’être passifs-actifs sont généralement fixés comme traits de caractère. D’un côté l’individu innove et veut contribuer alors que de l’autre, il se borne à attendre que les autres agissent. Ces facteurs sont importants dans une relation de coaching, car un coaching réussi nécessite la contribution active et responsable du client.

Un ingrédient clé du succès du coaching : la qualité de la relation
Au début d’une relation de coaching, les coachs tentent généralement de créer un climat agréable dans un environnement favorable. En effet, une prise de contact réussie avec le client lors de la première session est importante, car cela peut déterminer si le client reviendra ou non. Évidemment, dans une relation de coaching, une attitude amicale conduisant à un sentiment d’affiliation semble aller de soi. Il est difficile d’imaginer quelles autres qualités un coach devrait démontrer pour compenser un comportement inamical ou même hostile, particulièrement lors de la première session.

La première rencontre sert aussi à établir les bases d’une relation de coaching, comme le définit d’ailleurs clairement International Coach Federation dans la liste de ses onze (11) compétences essentielles. En effet, les quatre (4) premières compétences sont de « bâtir les fondations » et « co-créer la relation avec le client ». Une fois la partie contractuelle établie (compétences 1 et 2), on s’attend à ce que la relation entre le coach et le client soit construite dans un climat fondé sur la confiance et le respect (compétence 3) et que le coach établisse sa présence (compétence 4)4.

Selon des recherches antérieures et des fondements de pratique bien connus, dans une relation de coaching les clients sont intéressés à travailler avec un « compagnon », un égal en quelque sorte. Les auteurs ont donc posé l’hypothèse que la différence de domination entre le client et le coach devrait être petite, comparé à la thérapie où le client recherche davantage un « sauveteur » qui va le guider et l’aider en démontrant une domination plus grande que celle d’un coach. En conséquence, on pourrait  supposer qu’une similarité de domination et d’affiliation entre le coach et le client lors de la première rencontre de coaching, devrait être un bon indicateur pour prédire la qualité de la relation perçue par le client ainsi que le niveau d’atteinte des objectifs de coaching à la fin du processus.

Finalement, les auteurs se sont aussi intéressés aux éléments de compatibilité entre le coach et le client, en référence aux correspondances et similarités  de traits de personnalité et de styles interpersonnels des deux personnes.

Constatations
Tout d’abord, les chercheurs ont été surpris de constater, contrairement à leur hypothèse de départ, que plus un coach agissait avec confiance (i.e. domination) lors de la première session, plus le client avait tendance à évaluer positivement l’atteinte de ses objectifs à la fin du processus, et ce peu importe le contenu du coaching. Cela tend donc à démontrer qu’un client est davantage disposé à être accompagné par un coach dominant (i.e. confiant en lui-même) que le contraire, observé en thérapie.

D’autre part, en ligne avec leur hypothèse de départ, les similarités du coach et du client, tant du point de vue de la domination que de l’affiliation, se sont révélés de bons indicateurs pour prédire une évaluation positive de la relation de coaching tant du point de vue de sa qualité que de l’atteinte des buts du coaching, par le client. Cette constatation, nous porte aussi à conclure, que le client en coaching veut jouer un rôle actif dans sa relation de coaching, confirmant ainsi l’idée répandue de co-création avec le client pour atteindre les objectifs de coaching.

Selon les résultats de l’étude, il appert finalement que la compatibilité interpersonnelle entre le coach et le client est bénéfique pour la qualité de la relation et l’atteinte des buts de coaching. Cette constatation indique que non seulement les comportements interpersonnels (affiliation et domination) du coach lors de la première session sont importants pour l’évaluation du succès du coaching à la fin du processus, mais également leur compatibilité.

Cette constatation des chercheurs vient donc supporter la notion théorique que les coachs devraient adapter leurs comportements interpersonnels aux caractéristiques du client afin de créer une relation de coaching idéale et atteindre les buts visés par le coaching.

Implications pour la pratique du coaching
Les résultats de cette recherche nous indiquent qu’un comportement confiant et compétent de la part du coach est un facteur important pour le succès du coaching afin de rassurer le client dans sa démarche. Évidemment, cela soulève la question : « Comment un coach peut-il le faire? »  

Une première réponse serait sans doute que le coach choisisse des méthodes et des pratiques de coaching avec lesquelles il est vraiment à l’aise, particulièrement lors de la première session.

Deuxièmement,  il devrait développer sa sensibilité au phénomène de comportement dominant, y compris les points d’ancrage verbaux et non-verbaux de ces comportements. Une meilleure connaissance des comportements verbaux et non-verbaux peut aider le coach à mieux s’adapter aux signaux reçus du client, ce qui peut vouloir dire de travailler sur son apparence, sa posture ou son ton de voix.

Il ne s’agit pas pour un coach de modifier de manière importante ses comportements d’un client à l’autre, mais au moins, d’être particulièrement attentif aux différences marquantes qui semblent exister entre son style et celui du client, incluant les signaux non-verbaux observés durant la première rencontre. En effet, un comportement authentique est aussi un facteur important de confiance mutuelle dans nos relations avec les autres. Le contraire serait évidemment contre-indiqué.

Les auteurs recommandent donc aux coachs de travailler avec soin sur de légères variations de leur style interpersonnel afin d’élargir leur éventail de comportements dans leurs relations professionnelles et de mieux s’ajuster aux caractéristiques particulières du client.

D’autre part, les coachs professionnels devraient s’inspirer des résultats de cette recherche pour s’interroger face à un client qui est trop heureux de répondre à leurs requêtes, alors que d’autres le sont beaucoup moins. Les espaces de domination et de soumission dans la relation entre le coach et le client doivent certainement être alors examinés afin de déterminer dans quelle mesure les comportements du coach et du client interfèrent avec l’atteinte des objectifs du coaching.

Finalement, comme j’ai déjà entendu un maître-coach affirmer qu’un coach devrait être capable de coacher n’importe qui, n’importe quand ou n’importe où,  cette étude devrait nous inciter à analyser sérieusement les éléments de personnalité du coach et du client qui peuvent rendre la relation incompatible, donc infructueuse. C’est ce que font les coachs qui agissent de manière professionnelle, mais d’autres acceptent quand même d’accompagner des personnes avec lesquelles il y a trop de disparités, sous prétexte que c’est la méthode de coaching qui compte et que le processus fera son œuvre. Il s’agit d’un point valide, mais sans doute au détriment de la qualité de la relation et de la perception que le client aura à la fin du processus d’avoir atteint ses objectifs de coaching.

Références

  1. Baron, L. & Morin, L. (2009) The coach–coachee relationship in executive coaching: a field study. Human Resource Development Quarterly, Vol. 20, No. 1, Spring 2009 .
  2. Ianiroa, P. M., Schermuly, C. C. & Kauffeld, S.(2013).  Why interpersonal dominance and affiliation matter: an interaction. Analysis of the coach-client relationship. Coaching: An International Journal of Theory, Research and Practice, 2013Vol. 6, No. 1, 25-46, http://dx.doi.org/10.1080/17521882.2012.740489
  3. Zaleznik, A. (1965) La dynamique de la subordination. Harvard Business Review, Vol. 43, No. 3, 119-131.
  4. Les 11 compétences essentielles en coaching. International Coach Federation. http://www.icfquebec.org/img/client/page_web/pdf/11-competences-essentielles-de-coaching.pdf
Yvon Chouinard, ACC ACC, CRHA