15 mars 2011

La présence au clientpar Jean Raymond Bonin, PCC

Jusqu’à  quel point prend-on vraiment conscience des limites personnelles qui agissent  sur notre pratique de coaching? C’est pourtant là une des conditions d’une  relation efficace et engageante de part et d’autre. Le coach n’est pas un  automate, un pur esprit parfait ou un être objectif capable d’une distanciation  parfaite : ce n’est qu’un être humain comme les autres1.

Quelles  seraient donc des conditions pour établir une relation de coaching réussie? Où  porter son attention dans l’établissement de cette relation?

  Dans son  livre Coaching: Evoking Excellence in  Others 2, James Flaherty suggère des pistes pour développer une  relation coach-client mutuellement satisfaisante dont le respect mutuel, la  confiance mutuelle et la liberté d’expression mutuelle. Son propos se situe  dans une optique où la qualité de la relation entre le coach et le client crée  une ouverture qui, à son tour, permet au coaching de se réaliser.

L’adage dit  que le respect se mérite; mais comment? Quelles conditions est-ce que le coach  pose relativement au respect? Est-ce que je vais, par exemple, accepter comme  client une personne qui a des opinions politiques opposées aux miennes? Une  croyance religieuse différente? Des comportements que je juge inadéquats ou  même répréhensibles? Flaherty suggère qu’il n’est pas nécessaire que le respect  soit absolument dans toutes les sphères de la vie de la personne, mais dans la  sphère de coaching. Le travail du coach relativement au respect est d’apprendre  à voir son propre jugement de sorte que celui-ci interfère le moins possible  dans la relation.

Le lien de  confiance mutuelle, d’un point de vue de coach, consiste à examiner sa propre capacité  à faire confiance à partir de ses expériences passées. Quels ont été les  évènements déclencheurs qui ont fait qu’il s’est senti trahi, qu’il a senti  qu’il se fermait, etc. Est-il trop fermé ou trop ouvert par rapport à la  réalité du client? Enfin, par rapport à quoi avoir confiance? À tous les  aspects de la personne? À sa sincérité? À son engagement? À ses paroles? À ses  actions?

Quant à la  liberté d’expression mutuelle, il ne s’agit évidemment pas de la liberté de  dire n’importe quoi! Trois éléments à retenir. Elle se construit davantage à  partir d’une écoute mutuelle authentique que d’une bonne technique de  communication. Le travail du coach consiste à rendre explicite à ses propres  yeux son expérience de manière à « la mettre de côté ». Ensuite,  l’écoute authentique s’accompagne d’une ouverture, d’une réceptivité sentie.  Enfin, il va sans dire qu’une des conditions à la libre expression dans une  relation de coaching est la confidentialité de ce qui est dit. Cette attitude  va transparaître entre autres dans le fait de démontrer que l’on apprend du  client et que notre point de vue évolue.

Une autre  dimension à considérer pour une relation réussie, c’est que le coach, autant  que le client, soit engagé dans une démarche d’apprentissage. Qu’est-ce que  cela signifie? Entre autres, que ce que l’on a déjà appris par le passé ne  s’applique pas à la situation présente.   Par conséquent, on doit se questionner, se réaligner, remettre en cause  nos a priori, nos (nombreuses) croyances3. Ce n’est pas tant que le  client n’est pas « coachable » que le coach n’a pas encore découvert  comment le faire. Être coach, c’est aussi développer une certaine plasticité.

Enfin,  malgré toute l’attention portée à cultiver la relation, ça peut également dérailler! Par exemple, l’engagement qui  ne se manifeste pas, une forme d’incompétence ou une indisponibilité à ce  moment-ci de l’un ou de l’autre, etc. Le coach, au même titre que le client,  est plongé dans les préoccupations de sa vie, avec ses croyances3  (conscientes ou pas). Alors, comment être conscient de soi tout en étant  totalement présent à son client? Comment développer cette capacité à danser sur  le plancher de danse avec le client et monter au balcon pour se voir en même  temps danser avec le client? Tenir son journal de coaching pour y noter ses  expériences relativement à la qualité de sa présence, faire un retour  périodique pour y discerner ses patterns, en discuter avec d’autres personnes,  se donner des moyens d’y porter attention dans un esprit d’apprentissage continu  sont autant de façons de découvrir ses propres limites pour mieux être au  service du client.

N’est-ce  pas là la contribution du coach à une relation mutuellement satisfaisante!

1« Tout un  homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui». Sartre,  J.P. (1964)Les mots, Paris : Gallimard

2 Flaherty, J. (2005) Coaching : Evoking Excellence in Others,  Burlington : Elviser Butterworth-Heinenmann

3 Voir l’excellent livre de  Keagan, R., Laskow-Lahey, L. (2009) Immunity to Change : How to Overcome  It and Unlock the Potential In Yourself and Your Organization, Cambridge :  Harvard Business School Publications
Jean Raymond Bonin, PCC PCC