15 mai 2011

Le paradoxe de la baguette magiquepar Jean-Pierre Bekier, PCC

Quel coach un  jour ne s’est pas retrouvé face à ces réponses de la part de son coaché :  « Je ne sais pas » ou encore « Je suis incapable de».

De prime  abord, ces réponses semblent logiques dans le cadre d’une démarche de coaching  puisque le client sollicite un coach pour découvrir ce dont il n’a pas  conscience. Derrière la réponse «Je ne sais pas » se cachent insidieusement des  schémas complexes comme celui d’assurer la cohérence (absence de conflit) du  concept de soi (perception que l’individu a de lui-même, ses croyances,  ses valeurs et ses représentations subjectives de la réalité) ou encore de  créer du sens (congruence entre la perception du concept de soi et l’expérience  vécue).

Le  cognitiviste A. Bandura (2002) nous révèle que si les individus ne croient pas  qu’ils peuvent obtenir les résultats qu’ils désirent grâce à leurs actes, ils  ont peu de raisons d’agir et de persévérer face aux difficultés. En effet, la perception qu’a un individu de ses capacités à  exécuter une activité influence et détermine son mode de pensée, son niveau de  motivation et ses comportements.

Quels choix  d’intervention le coach a-t-il face à cette réponse ? Certains coachs  adressent la question suivante : « Et si vous possédiez une baguette  magique, que feriez-vous ? » C’est en 1955 que G. Kelly a élaboré cette  technique « la thérapie de l’assignation de rôle ». En utilisant cette  technique, le coach assigne à son coaché un rôle. Celui-ci peut donc tester de  nouvelles hypothèses et faire des interprétations différentes des événements,  et ce, dans la plus totale sécurité puisque imaginaires et dissociées du  concept de soi. Cette technique semble produire des résultats.

J. Rotter,  psychologue (1966), définit l'estime de soi comme la croyance de l'individu  qu'il est agent des évènements de sa vie (lieu de contrôle interne) ou victime  (lieu de contrôle externe). À la lumière de mes diverses expérimentations en  coaching, je ne suis pas convaincu que cette baguette magique soit la meilleure  stratégie pour notre coaché. Dans cette perspective, le pouvoir qu’a notre  coaché sur le contrôle des évènements, est attribué au pouvoir métaphorique de  cette baguette magique et non aux ressources endogènes de notre coaché. Il est  de notoriété que la  croyance que les actions personnelles déterminent les résultats augmente le  sentiment d'efficacité et de pouvoir alors que la croyance que les résultats  surviennent indépendamment de ce que fait l'individu crée de l’apathie.

De mon point de vue, cette réponse du coaché « Je ne  sais pas » constitue « le sésame ouvre-toi » révélateur d’éléments clés, levier  d’un sentiment de pouvoir et d’efficacité. Dès lors, quels avantages le coaché  aurait-il d’explorer cette « caverne d’Ali Baba » ? Au cours de cette exploration où il est accompagné par son coach, le  coaché va déterminer «  ce qu’il sait » et ajuster successivement ses stratégies adaptatives  pour s’harmoniser aux changements situationnels révélés par de nouvelles  prises de conscience.

  Voici quelques pistes pratiques d’exploration que je  privilégie dans mes interventions en coaching. Je vous invite à les  expérimenter. 

« Quelles sont vos croyances relativement à ma  question ? » « Comment vous sentez-vous face à ma question ? » « Comment qualifieriez-vous la qualité de notre relation ? » « Quel pouvoir ce « je ne sais pas » vous procure-t-il ? » « Comment, sur une échelle de 1 à 100, mesureriez-vous votre sentiment  d’efficacité face à cette situation ? » «  Vous ne savez pas quel sentiment vous éprouvez face à votre réponse ? » «  Quelles attentes de votre coach percevez-vous relativement à cette réponse ? » « Quels bénéfices cette réponse « je ne sais  pas » vous procure-t-elle? « Quelles attentes avez-vous de votre réponse ? » « Vous ne savez pas, c’est OK, que comptez-vous faire  ? »  « Incapable, c’est capable de ne pas faire ; ne pas savoir, c’est se  donner le droit d’ignorer. Que voulez-vous ignorer ? » « Comment se fait-il que vous ne sachiez pas ? » « Je vous croyais plus créatif ! » « Si ce n’est pas vous, qui le sait ? » « Quelle est l’importance de savoir ou de ne pas savoir ? » « Qu’est-ce que vous ne savez pas ?» « Combien de fois cela vous est-il arrivé de ne pas savoir ? » « Quelles sont les conséquences de ne pas savoir dans cette situation ?» « Alors pourquoi vouloir savoir ? » « N’y a t-il pas une fois où vous saviez ? »   « Comment savez-vous que vous ne savez pas ? » « Comment pourriez-vous savoir ? » « Et si vous saviez ? »

Comme le dit V. Lenhardt, le coach aide l’autre  à se débrouiller seul. Offrir une aide à quelqu’un sans que cela ne soit  nécessaire peut diminuer son sentiment de compétence, donc abaisser la mise en  œuvre de ses aptitudes. Votre coaché a-t-il vraiment besoin d’une baguette  magique ?
Jean-Pierre Bekier, PCC PCC