15 janvier 2013

Coacher la Génération du millénaire: un guide de basepar Yvon Chouinard, ACC

Les membres de la Génération du millénaire,  ceux qui sont nés entre 1980 et 2000, qu’on appelle aussi la Génération Y, compteront pour plus de la moitié de la main-d’œuvre en Amérique du Nord  d’ici la fin de la prochaine décennie, selon un sondage réalisé par le Pew Research Center.

Ce n’est un secret pour personne que les gestionnaires et les professionnels de ressources humaines se creusent la tête afin de trouver les meilleures façons d’attirer, motiver et retenir leurs employés de la Génération Y.

Les coachs seront de plus en plus appelés en renfort afin de soutenir leurs clients de la génération du millénaire – ainsi que leurs gestionnaires – afin d’améliorer leur impact dans les milieux de travail.

À cet effet, Jane B. Gregory, Ph.D. et Chad Thompson, Ph.D.1 ont réalisé une méta-analyse du sujet dans le but de formuler des recommandations spécifiques pour les coachs qui ont la responsabilité d’intervenir auprès de cette clientèle grandissante. Gregory et Thompson font eux-mêmes partie de la Génération Y.

Dans cet article, nous parlerons indifféremment de la Génération du millénaire, de la Génération Y et des Millénaires.

Qui sont-ils et qu’est-ce qui les rend uniques?

Les chercheurs ont d’abord constaté que la génération du millénaire est l’objet de nombreux stéréotypes, dont ceux d’être « demandante », revendicatrice,  peu loyale, et essentiellement difficile à gérer. En réalité, les membres de la Génération Y valorisent l’équilibre travail/vie personnelle, veulent accomplir un travail qui a du sens, et s’attendent à ce qu’on leur donne de l’attention et de la reconnaissance.

Le groupe hip pop américain Black Eyed Peas a bien exprimé la conception que la société s’est généralement faite de la Génération du millénaire avec les chansons Now Generation  et Party All the Time sur son album The E.N.D. (The Energy Never Dies).

Cette génération a été formée par des parents-hélicoptères 2 qui ont mis l’emphase sur la rétroaction positive et le réconfort. Elle a aussi vécu des changements technologiques majeurs et des bouleversements économiques continus.

Les membres de la Génération Y changent en effet d’emploi plus souvent, mais avec des méthodes de gestion efficaces ils ont tendance à rester.

Ils n’ont pas nécessairement besoin de travailler pour quelqu’un d’autre. La Génération du millénaire est passionnée par rapport à ce qu’elle fait et a développé un esprit entrepreneurial plus élevé que nous ne l’avons jamais observé auparavant.

Faits ou fiction? Les mythes populaires par rapport à la Génération du millénaire

Les autres générations et les gestionnaires ont tendance à penser que les employés de la Génération Y n’ont pas de loyauté envers l’organisation car ils changent plus souvent d’emploi que les générations précédentes, qu’ils sont plutôt exigeants en termes de gestion car ils ont un besoin élevé de rétroaction et le désir de se faire dire exactement comment aborder un problème ou compléter une tâche, qu’ils sont très revendicateurs en demandant ce qu’ils veulent au niveau du travail qu’ils souhaitent accomplir, des promotions et de la rémunération,  en plus d’être centrés sur eux et irréalistes, et finalement qu’ils sont plutôt désinvoltes par leur désir d’avoir des lieux de travail informels, surtout au niveau de l’habillement, et même de leur conception d’avoir même à se présenter au bureau s’ils peuvent faire le travail ailleurs.

En réalité, pour la Génération Y, le contrat psychologique avec l’organisation n’existe pas, surtout après avoir vu les plus vieux employés s’être fait montré la porte après avoir payé leur « dû » durant de nombreuses années. Donc, la loyauté à tout prix n’est pas une bonne affaire. Ils se voient plutôt comme des agents libres face à l’organisation et leur emploi.

Leurs attentes par rapport au feedback proviennent de leur expérience avec leurs professeurs et leurs parents. S’ils n’ont pas de rétroaction, ils supposent alors que quelque chose ne va pas. Ce besoin suggère donc que les organisations doivent comprendre que des bonnes pratiques de rétroaction (« feedback »)  sont plus importantes avec les membres de la Génération Y.

L’idée que la Génération Y est revendicatrice et qu’elle est toujours en train d’exiger des choses sans contrepartie est habituellement accompagnée de la présomption de narcissisme, de matérialisme et de manque d’éthique au travail. Cette idée semble traverser les générations l’une après l’autre, mais est-il possible que ce comportement soit lié au fait que les parents eux-mêmes aient placé beaucoup d’attentes sur leurs enfants avec des horaires chargés de cours et d’activités de toutes sortes?

Le côté informel des membres de la Génération du millénaire est réel car leur état d’esprit à cet égard s’appuie sur le fait que si la performance est au rendez-vous, ce qu’il porte, ou le lieu où ils font leur travail, ne devraient pas compter. Le travail n’est plus la « place où vous allez », mais « les choses que vous faites ».

Pourquoi cela est-il pertinent pour le coaching?

Les chercheurs Gregory et Thompson affirment que la Génération Y répondra mieux aux relations de coaching et qu’ils vivront des expériences de développement capitales en se basant sur les faits suivants :

Les membres de la Génération Y sont habitués de recevoir de la rétroaction individuelle et une attention particulière à leur développement personnel, ce qui ne leur est pas donné par leurs gestionnaires et leurs collègues. Les coachs peuvent remplir ce rôle auprès d’eux.

Les membres de la Génération Y sont arrivés sur le marché du travail entachés par des attentes et des stéréotypes négatifs, quelques uns supportés par la recherche, d’autres qui sont complètement injustes, propagés par la presse populaire. 

Les coachs ont l’avantage d’apporter une perspective extérieure objective qui leur permet de donner aux Millénaires une rétroaction candide qu’ils ont besoin d’entendre afin de maximiser leur efficacité au travail.  Les coachs peuvent les ramener à la réalité, une chose que les gestionnaires ou les pairs peuvent avoir de la difficulté à faire.

Alors que les Millénaires commencent à occuper des postes de leadership à des niveaux plus élevés des organisations, le temps est propice pour les coachs de développer une stratégie pertinente afin de travailleur avec les jeunes leaders et entrepreneurs de la Génération Y.

Modeler votre pratique de coaching en fonction de leurs besoins uniques

Comprendre et adopter la technologie

Afin d’avoir une approche de coaching efficace avec les Millénaires, les coachs doivent s’ouvrir au monde virtuel de l’interaction. Alors que les rencontres face-à-face traditionnelles seront encore nécessaires, les coachs doivent être prêts à avoir des interactions rapides par la voie du texto, du courriel ou d’arrangements flexibles de rencontres.

Laisser sa formalité à la porte

Si vous êtes habitués à faire étalage de vos cheveux gris et à porter un complet ou un tailleur, selon les besoins et les préférences personnelles de votre client Millénaire, soyez disposés à être moins formel. Les Millénaires ont grandi avec des parents qui se voyaient surtout dans le rôle de pairs. Préparez-vous à ce qu’ils vous perçoivent comme un égal, pas comme une personne plus sage à cause de votre âge.

Se concentrer sur la relation

Si nous savons que la relation est la base d’un coaching efficace, cela n’a jamais été plus vrai qu’avec la Génération Y. Les Millénaires sont tournés vers les relations de manière innée. Ils cherchent à établir rapidement un lien et à trouver un terrain commun.  De plus, plusieurs Millénaires ont faim de relations basées sur la confiance, presque le genre de relation parentale qu’ils ont eue durant les deux ou trois premières décennies de leur développement. Le coach peut aussi remplir ce rôle en devenant une base d’essai sécuritaire et objective pour vos clients à la recherche de rétroaction.

Tenir le miroir…mais gentiment

On a souvent parlé des Millénaires comment faisant partie de la « génération trophée ». Ils ont grandi en étant couvés et en recevant du renforcement de leurs parents, de leurs enseignants, de leurs coachs ou d’autres figures d’autorité qui traditionnellement avaient plutôt tendance à critiquer et fourni la difficile réalité de la déception. Les coachs peuvent aider les clients Millénaires à reconnaître leurs angles morts les menant ainsi à des réaliser des développements importants. La « rétroaction critique » ou « constructif » pourrait ainsi devenir un phénomène relativement nouveau en coaching.

Conclusion et discussion

L’objectif de cet article était de présenter quelques éléments de recherche pertinents pour aider les coachs à mieux aborder le coaching des membres de la Génération Y qui seront de plus en plus nombreux à recourir aux services d’un coach.

Le coaching devrait bien fonctionner auprès des Millénaires qui sont constamment à la recherche d’occasion de grandir tout en conservant leur autonomie. Le coach pourra les aider à rechercher des alternatives et leur fournir un contexte sécuritaire de confiance où ils pourront se faire dire les vraies choses sans risque de représailles. Le coaching étant d’autre part une relation essentiellement égalitaire, la Génération Y qui a moins d’égard pour la hiérarchie et l’ancienneté devrait s’y sentir à l’aise.

 

 

 

RÉFÉRENCES CHOISIES

Burmeister, Misti. (2008). From Boomers to Bloggers. Success strategies across generations. Fairfax, VA: Synergy Press.

Hershatter, A., & Epstein, M. (2010). Millennials and the world of work: An organization and management perspective. Journal of Business and Psychology, 25, 211-223

Ng, E.S.W., Schweitzer, L., & Lyons, S.T. (2010). New generation, great expectations: A field study of the millennial generation. Journal of Business and Psychology, 25, 281-292

Pew Research Center (2010). Millennials: A portrait of Generation Next.

Simard, Stéphane. (2007). Génération Y. Attirer, motiver et conserver les jeunes talents. Boucherville : Viséo Solutions.

Twenge, J.M. (2006). Generation me: Why today’s young Americans are more confident, assertive, entitled and more miserable than ever before. New York: Free Press.

Twenge, J.M. (2010). A review of the empirical evidence on generational differences in work attitudes. Journal of Business and Psychology, 25, 201-210.

  1. Gregory, Jane. B. & Thompson, Chad.  Coaching Millennials: A primer for coaches on the unique needs and characteristics of a generation.  A Research Poster presented at the Coaching in Leadership and Healthcare: Theory, Practice & Results Conference of the Institute of Coaching, in Boston, on September 28-29, 2012. Taylor Strategy Partners and PDRI, Columbus, Ohio, USA.
  2. On dit des parents hélicoptères qu'ils sont continuellement en train de planer au dessus de leurs enfants. De haut, ils voient loin et grand pour leurs rejetons. Dans le meilleur des cas, ils sont très engagés dans la vie scolaire, très près de leurs enfants et d'excellents conseillers pour les aider à traverser les diverses phases de la vie. Mais il arrive que certains passent de parent engagé à parent obsédé. Ils ne savent plus quand arrêter de pousser, polir, protéger et pouponner leur progéniture.
Yvon Chouinard, ACC ACC, CRHA