15 décembre 2013

Chronique recherche en coachingpar Yvon Chouinard, ACC

LES EFFETS POSITIFS DE LA PLEINE CONSCIENCE SUR L'ESTIME DE SOI

Qu’est-ce que la « pleine conscience »?

Depuis quelques années, le monde du coaching s’intéresse de près à la notion de « mindfulness », qu’on a traduit de différentes manières, dont « attention consciente », « état de présence », « présence intentionnelle ouverte », « prise de conscience » ou simplement « conscience ». Mais la traduction qui semble prendre racine est celle de « pleine conscience ».

Comme c’est souvent le cas avec les concepts « à la mode », nous pouvons constater que rien n’est vraiment nouveau sous le soleil. En effet, la notion de pleine conscience prend son origine dans le bouddhisme et les pratiques de méditation orientales millénaires.  L’approche de pleine conscience dont on parle aujourd’hui,  a été introduite à la fin des années 70, en tant qu’intervention psychologique dans le domaine de la santé, en vue de réduire le stress et la douleur physique.

Le principal représentant de cette pratique est Jon Kabat-Zinn1, un biologiste américain, l’un des pères fondateurs de la médecine corps-esprit, qui a été le premier à proposer la méditation comme remède contre le stress. Il définit la pleine conscience comme un processus qui nous amène à prêter attention, intentionnellement, dans le moment présent et sans jugement. D’autres auteurs ont parlé de l’habilité d’observer et de prêter attention au flot constant et changeant de pensées, de sentiments et de sensations, à chaque instant qui passe.

Qu’est-ce que l’estime de soi?

Composante importante de la psychologie sociale, l’estime de soi  fait référence à l’évaluation qu’un individu fait de sa propre valeur. L’estime de soi est considérée comme un trait de personnalité relativement stable qui varie d’un individu à un autre. Il s’agit d’un concept psychologique complexe relié à une variété de conséquences psychologiques positives, incluant l’ajustement psychologique général, les émotions positives, la confiance sociale, les comportements pro-sociaux et la satisfaction dans sa vie.

Objectif de la recherche

Les clients en coaching qui désirent augmenter leur satisfaction dans la vie peuvent envisager l’atteinte de ce but selon différents angles. Ils peuvent changer leur façon de penser, leurs relations, leurs comportements et même leur environnement.

Or, une étude, réalisée par Pepping, O’Donovan et Davis2, vient ajouter un outil pour aider nos clients dans leur quête d’amélioration de leur satisfaction dans la vie, soit la pratique de la pleine conscience. En effet, les chercheurs ont examiné l’effet de la pratique de la pleine conscience sur l’estime de soi. Si des études antérieures avaient déjà rapporté un rapport positif entre la pleine conscience et l’estime de soi, elles n’avaient cependant pas examiné quels étaient les éléments de la pleine conscience  qui contribuaient à une saine estime de soi. Grâce à la connaissance des éléments qui ont un impact bénéfique sur l’estime de soi, il devient alors possible de développer des interventions basées sur le concept de pleine conscience, en comprenant mieux les éléments qui sous-tendent le processus d’amélioration de l’estime de soi.

Description de la recherche

En se basant sur les associations théoriques et empiriques entre la pleine conscience et l’estime de soi, l’étude cherchait à examiner la contribution de quatre des cinq facettes de la pleine conscience à l’estime de soi, soit l’acte de décrire des expériences cognitives et émotionnelles, le non-jugement de soi, la non-réactivité et le fait d’agir consciemment.

Une première expérience fut réalisée avec 329 étudiants de premier cycle suivant un cours d’introduction à la psychologie et dont l’âge variait de 16 à 55 ans, la moyenne d’âge étant de 21,5 ans, dont 241 femmes et 88 hommes.

Les participants devaient évaluer leur état de pleine conscience et leur estime de soi. L’échelle en 10 points de Rosenberg fut utilisée pour évaluer l’estime de soi. Le questionnaire The Five Facet Mindfulness Questionnaire fut administré pour mesurer la pleine conscience. Tel que prédit par les chercheurs, les individus qui avaient un score élevé sur les quatre facettes de la pleine conscience ont aussi obtenu des résultats élevés sur l’estime de soi.

À partir de cette confirmation corrélative, les chercheurs ont alors conçu une autre expérience avec un groupe de 68 étudiants. Dans le premier groupe, les participants devaient réaliser une méditation de 15 minutes sur la respiration en demeurant pleinement conscient de leurs pensées.

Dans le second groupe (groupe de contrôle), les participants devaient écouter une narration de 15 minutes comportant de riches images et des informations concernant la Dionée, la plus célèbre des plantes attrape-mouche. Cette tâche avait été choisie car peu susceptible d’améliorer la pleine conscience ou l’estime de soi.

Résultats de la recherche

Les participants qui ont réalisé l’activité de méditation ont rapporté un état de pleine conscience et d’estime de soi significativement plus élevé, alors que ceux du groupe contrôle, qui avaient écouté l’histoire factuelle sur la plante attrape-mouche, n’ont connu aucun changement de leur niveau de pleine conscience et d’estime de soi.

Implications pour la pratique du coaching

La pleine conscience peut jouer un rôle utile dans le but d’aborder les processus sous-jacents associés à une faible estime de soi, sans avoir à renforcer une vision positive de soi en se concentrant sur des réalisations ou d’autres facteurs passagers.  En d’autres mots, la pleine conscience peut aider les individus à connaître une forme plus solide de haute estime de soi.

Les coachs peuvent donc encourager leurs clients à établir et maintenir une pratique régulière de pleine conscience, que ce soit par la méditation ou d’autres approches.

L’objectif de pratiquer la pleine conscience est de ralentir, de changer son regard sur son monde et de vivre autrement, au lieu d’être sur le « pilote automatique ». Combien de fois avons-nous conduit une voiture sans avoir aucun souvenir du chemin parcouru ou lu un livre et de réaliser qu’il nous serait impossible de dire ce que nous venons lire. Nous ne sommes donc pas toujours pleinement présents à ce qui nous arrive.

Une telle « absence » de présence peut aussi créer un espace pour les pensées négatives et l’anxiété. La pleine conscience permet d’orienter notre attention dans le moment présent sans juger sur l’expérience qui se déroule moment après moment,  et a des effets positifs sur la perception qu’une personne a de sa vie, comme le démontre la recherche.

Pour les clients en coaching, il ne s’agit pas de les forcer à avoir des pensées positives, mais simplement de les inviter à devenir pleinement conscients de leur flot de pensées. Une telle approche est particulièrement utile pour passer à travers des périodes difficiles, où lorsqu’il n’est pas possible de changer la situation,  alors que des clients peuvent avoir tendance à réagir de manière automatique en utilisant toujours les mêmes types de pensées et d’émotions.

Si nous suivons les consignes de Kabat-Zinn pour atteindre la pleine conscience, il faut :

  • mobiliser son attention
  • le faire intentionnellement
  • dans le moment présent
  • sans juger
  • sur l’expérience qui se déroule moment après moment


Évidemment, les résultats ne sont pas immédiats, mais dans le cadre d’un apprentissage progressif voici ce qui peut être suggéré aux clients comme exercices :

  • Centrer son attention sur les informations sensorielles
  • Être attentif à sa respiration
  • Prendre conscience de toutes les parties de son corps
  • Devenir attentif lors d’activités quotidiennes routinières
  • Prendre conscience de ses pensées spontanées


Dans tous les cas, le client ne doit pas tenter de porter un jugement sur ce qui arrive, donc de garder une attitude ouverte envers ce qui se présente afin de pouvoir faire une véritable observation.

Conclusion

Ce qui est bon pour les clients peut aussi être bon pour les coachs. Comme le suggère Douglas Riddle3, dans un article paru dans Forbes sur le « coaching de leadership conscient »,  les coachs qui veulent pratiquer la pleine conscience devraient aborder leurs sessions avec leurs clients avec un « esprit vide », afin de laisser les choses arriver, ce qui veut dire une véritable écoute.

Ils doivent aussi prendre la posture de « non-réactivité » afin de pouvoir mieux juger de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas. Être toujours en réaction aux émotions du client peut créer une escalade dommageable. Il est préférable de le laisser aller librement d’une perspective à l’autre. Et bien sûr, il recommande aux coachs de pratiquer la méditation!

 

 

  1. Kabat-Zinn, J. (2003). Mindfulness-based interventions in context: Past, present, and future. Clinical Psychology: Science and Practice, 10, 144–156.
  2. Pepping, C. A., O’Donavan, A. & Davis, J. P. (2013) The positive effects of mindfulness on self-esteem. The Journal of Positive Psychology: Dedicated to furthering research and promotion good practice, 8:5, 376-386
  3. Riddle, D. Three Keys to Mindful Leadership Coaching. Forbes Magazine, January 23, 2012. http://www.forbes.com/sites/ccl/2012/01/23/three-keys-to-mindful-leadership-coaching/
Yvon Chouinard, ACC ACC, CRHA