15 septembre 2010

Intervenir sur l’enjeu véritable du clientpar J.-R. Bonin / J. Deault

« J’ai un problème de cash-flow et ça  m’inquiète! Tous les jours, je surveille mes états de compte pour voir combien  de temps je peux fonctionner sans de nouvelles entrées de revenu et si je peux  garder mon personnel. Puis à cause de cela, je ne peux pas aller en Europe  rencontrer mes nouveaux clients! » Comment l’approche de coaching et de  développement intégral traiterait-elle cet enjeu apporté par cette cliente?

Commençons  par quelques points de repères clés. L’approche de coaching et de développement intégral vise à avoir une  compréhension globale de la personne, de sa situation immédiate et surtout de  sa manière de saisir la réalité, de voir le monde, d’être et d’agir.

Le coach  essaie de comprendre l’environnement de la personne, sa relation avec les  autres, son paysage intérieur, l’énergie dont elle dispose pour le changement,  ses émotions. Il observe comment celle-ci construit son interprétation du monde  qui se reflète dans son langage; comment elle crée du sens et, au fond, comment  elle appréhende sa réalité. Il examine le rapport entre les intentions de la  personne et ses actions : quels comportements répétitifs ou patterns  apparaissent dans quelles circonstances? Et finalement, il se demande ce qui  serait utile (pour avancer) et adéquat (compte tenu d’où elle est) pour  celle-ci en ce moment.

Ce qui est  sous-entendu ici, c’est que la situation initiale énoncée par la cliente, bien  qu’elle y porte actuellement son attention et son énergie, n’est pas  nécessairement l’enjeu véritable du moins celui qui, une fois le travail  amorcé, l’amènerait à une meilleure relation avec ses propres capacités.

Demeurer au  niveau de la situation initiale risquerait de conduire à une conversation de  « comptabilité » et de colonnes de chiffres et donnerait sûrement  certains résultats. Mais, est-ce que la cliente deviendrait plus  « compétente » pour autant?

On pourrait  également aller plus loin et déterminer un objectif à atteindre relativement à  comment maintenir un niveau de cashflow équilibré  et à comment développer son efficacité relativement à cet objectif. On aurait sûrement  des résultats supérieurs à la première approche parce que l’on s’intéresserait  non seulement à l’aspect technique, mais aussi à certaines compétences de la cliente  en regard d’un objectif.

Peut-on aller  encore plus loin? Comment déceler l’enjeu véritable? Que faire pour qu’un  succès dans cette situation se répète dans d’autres circonstances?

Pour y  parvenir, l’approche de coaching et de développement intégral présuppose que  chaque personne est unique, complexe et que l’intervention du coach porte sur la  personne et non sur la situation. Tous les entrepreneurs font face à des  difficultés de cashflow, ils peuvent  avoir accès à des techniques de gestion similaires, mais chacun les perçoit, en  parle et y réagit de manière unique. Il s’agit de créer des forces internes qui  soutiennent l’action à long terme.

Revenons à  notre cliente et sa situation initiale de cashflow. Elle avait entrepris diverses actions : regarder ses comptes sous tous les  angles, envoyer un courriel « dur » aux clients récalcitrants (mais  sans effet), renoncer à son voyage en Europe, etc., mais sans succès et avec le  découragement en prime!

Qu’a-t-elle  découvert dans sa conversation d’une heure trente avec le coach? D’abord que  son problème de cashflow était le  résultat non pas uniquement de clients qui ne le paient pas à temps, mais surtout  de certaines de ses croyances : les autres vont forcément agir comme elle  (c’est-à-dire, payer sur-le-champ ses factures) parce que c’est LA bonne chose  à faire sur le plan éthique; si elle faisait une demande explicite d’être payée,  cela nuirait à ses bonnes (sic!) relations avec ces clients, etc.

Sa façon de  voir faisait en sorte que c’était littéralement impossible pour elle de  formuler une demande claire et explicite à ses clients.  Elle était paralysée. Demander de l’aide à  ses employés et partenaires était en dehors de son radar.  Tout prendre sur ses épaules était normal.  C’était sa responsabilité de patronne. Ouf!
  Donc, le  fait de se voir aller, c’est-à-dire de comprendre son « schéma narratif »,  a été un moment de Ha!Ha! Cela a ouvert la possibilité d’être autrement et donc  de pouvoir agir différemment. Ses épaules se sont littéralement relevées. Elle  a pu se voir sans se juger et s’engager dans une nouvelle façon de faire. Avec  le coach, elle a recadré sa vision des choses – voir, sentir, agir différemment  pour obtenir les résultats recherchés.

Il reste bien sûr du travail à faire et le  problème n’est pas résolu pour autant (elle n’a pas encore recouvré son  argent). Mais elle n’est plus démunie parce qu’elle a un regard différent. Elle  saisit qu’elle en est en grande partie la source.  Elle peut donc commencer à transformer sa  façon de voir, d’être et d’agir. Le découragement et la procrastination ont  cédé le pas à l’énergie et à l’action. Elle est en train d’apprendre à s’observer  et à se réaligner plus rapidement. N’est-ce pas là un premier pas vers une plus  grande liberté?
J.-R. Bonin / J. Deault